Quand la lumière baisse dans le Bois de Boulogne, le château de Bagatelle devient, le temps d’un soir, la plus belle salle de concert à ciel ouvert de Paris. Cette année, Le Melville quitte son club du VIIIᵉ arrondissement pour y poser ses platines et ses pupitres. Tout juste sorti d’une spectaculaire cure de jouvence orchestrée par la Fondation Mansart – balcons redorés à la feuille d’or, marbres rajeunis, couvertures remises à neuf – ce pavillon XVIIIᵉ s’offre aux épicuriens pour treize soirées qui font rimer patrimoine et hédonisme.



Le pari est signé Le Melville : institution du VIIIᵉ arrondissement où la fumée des saxophones se mêle d’ordinaire aux effluves d’un bar à cocktails feutré, le club décampe « hors les murs » tous les mercredis, jusqu’au 30 juillet, avec une halte supplémentaire le mardi 8 juillet pour accueillir la chanteuse cubano-brésilienne Coco Canela . Dans la rotonde des Jardins de Bagatelle, cent convives tout au plus prennent place à 19 h 30 pour un « premier set » gastronomique avant que les premières notes ne s’élèvent à 20 h 30.
Au clavier culinaire : Malcom Ecolasse, 29 ans, passé par les fourneaux d’Éric Frechon et de Jean-François Piège, et remarqué pour sa cuisine métissée et colorée . Pour Bagatelle, le chef cisèle un quatuor de compositions qui jouent la syncope sans fausse note : « Labneh & aubergine chinoise, miso », « Poulet de maman, jus corsé à la marjolaine et curry noir », « Saumon passion façon ceviche » (ou sa déclinaison veggie à la tomate confite) et, en coda sucrée, le Millefeuille Melville où se répondent praliné cacahuète et ganache Dulcey . À 100 € – concert inclus –, la partition s’annonce aussi digeste pour l’oreille que pour le portefeuille d’une clientèle en quête d’expériences exclusives.
Côté scène, Le Melville soigne sa track-list : les harmonies du Viktor Nyberg Trio (2 juillet) ou encore les rythmes cubains de Coco Canela (8 juillet), tandis que Square Noon (9 juillet) réconcilie swing new-yorkais et groove caribéen . Dans cette parenthèse bucolique, chaque standard se fait écho aux senteurs d’une épice, chaque improvisation trouve son pendant dans un glaçage, rappelle Ecolasse : « Tout comme un combo répète pour un set parfait, nous peaufinons chaque geste en cuisine pour offrir une expérience sans fausse note » .
Au-delà de la magie instantanée, l’opération illustre une tendance lourde de la scène parisienne : l’événementiel “in situ” où la gastronomie s’amarre à un patrimoine réhabilité pour écrire de nouveaux récits sensoriels. Dans un marché saturé d’adresses éphémères, Jazz à Bagatelle tire son épingle du jeu par la cohérence de son storytelling – du menu synesthésique à la programmation, jusqu’au protocole météo : annulation avant midi en cas de pluie, report ou remboursement si nécessaire .
Réservations oblige, la billetterie se fait en ligne (lemelville.fr) ou par téléphone : +33 (0)1 23 45 67 89. Accès via la grille de Sèvres, bus 43 et 244 à proximité, station Vélib’ à 400 mètres.
Pour les mélomanes gourmets, la promesse est limpide : s’offrir une nuit parisienne hors du temps où le cri du sax se mêle au frémissement des feuilles – et découvrir qu’entre un solo de batterie et la caresse d’un curry noir, il n’y a qu’un battement de cœur.