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Pour la peau, une esthétique de la rupture

by Elisa Palmer
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Pour la peau – Emmanuelle Richard

Editions de l’Olivier – 18€

L’auteur, née en banlieue parisienne, a la jeune trentaine, et Pour la peau est son deuxième roman. La Légèreté, également paru aux éditions de l’Olivier, en 2014, avait déjà reçu les honneurs de la critique. Il s’agit ici d’une histoire d’amour, la sienne, qu’elle nous livre sans fausse pudeur (car parfois c’est cru et non filtré) pour y mettre enfin un terme. L’écriture intègre et courageuse d’Emmanuelle nous plonge véritablement dans  un récit personnel, corrosif et rétrospectif qui frôle de près le sublime. Le moment fulgurant de l’accident amoureux.

En 2016, comment écrire une histoire d’amour dans un contexte presque « ubérisé » des rapports humains, du sentiment amoureux et de l’approche du sexe ? Comment « choper » du sensible – comme certains aiment à le dire – à travers ce prisme moderne de la précarité amoureuse, de la relation jetable, concurrençable à merci, assujettie à des critères souvent trop bien réfléchis… ? Comment parvenir à gager du sentiment dans la très grande maigreur des nouveaux codes de la rencontre amoureuse et de la séduction ? Ce sont les questions que Pour la peau soulève en dur.

Après une rupture amoureuse, Emmanuelle rencontre E., un homme beaucoup plus âgé qu’elle, lors d’une vulgaire visite d’appartement. Un homme somme toute très banal qu’on ne regarde pas vraiment – ce mec à qui on ne fait pas vraiment attention. « La première fois que je vois E. je le trouve quelconque sinon laid. Il a le teint gris et il fume, ce sont les seules choses que je remarque. » Mais l’histoire va changer la donne puisque c’est bien de lui dont elle s’éprend corps et âme, comme un double obsédant. « E. a le goût du sabordage. E. veut être aimé en ne faisant rien de ce qu’il faut pour ça. E. se moque de plaire. E. est mon frère. »

Le récit personnel d’Emmanuelle parle de cette transition absurde du coeur qui peut passer de l’indifférence complète initiale à la dépendance affective. « Je saisis que cet homme peut me faire perdre pied, me pousser très loin dans ce sens-là, et que je suis au bord de quelque chose qui me dépasse. » Et cet homme, moitié alcoolo complêtement accro aux drogues, va véritablement la faire tomber car il n’aura de cesse d’osciller entre deux visages de femme. Son ex qui rallume chez lui des conduites à risque et une relation destructrice – donc bandante. Et Emmanuelle qui propose une histoire d’amour honnête, entière et pacifiée. Et allez savoir pourquoi, E. ne choisira pas la paix.

A lire.

Elisa Palmer

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