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La nuit avec ma femme, une tragédie moderne

by Elisa Palmer
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La nuit avec ma femme – Samuel Benchetrit

Plon – 16,90€

Bien malgré eux, Marie Trintignant, Bertrand Cantat et Samuel Benchetrit ont posé les jalons d’une véritable tragédie moderne, le 26 juillet 2003, à Vilnius, en Lituanie. C’est la réception d’un de ces fameux SMS qui en dit – vraisemblablement – trop (tout est question de regard), envoyé par Samuel à sa « petite Janis… », qui va réveiller une rage désespérée et irréelle chez Bertrand et emmener – par les coups – Marie au paradis. Déchaînement d’une violence inouïe. Parce qu’ au jeu de l’amour, on se confronte aussi parfois au pire du genre humain : l’envie et l’exigence d’une exclusivité absolue, la jalousie obsédante et maladive, la paranoïa galopante, la confusion des sentiments…

13 ans plus tard, Samuel nous convie dans son « voyage intérieur passionné et poétique » sur les terres brulées d’une grande absente : Marie. Non seulement la mère de son fils Jules. Mais aussi la figure d’un Amour éternel. C’est le récit délicat et bagarreur d’un Samuel qui « deale » désormais avec ses émotions, angoisses et ce manque constant, imperturbable. Comment survivre quand on perd un repère ? Pas seulement quand il se fait la malle, mais quand il disparaît pour l’éternité. « J’ai passé plus de temps que toi sur cette Terre. Et notre différence, c’est que moi, je t’ai perdue. C’est parce que j’ai continué à vivre que je le sais. J’ai voulu être seul souvent pour être avec toi. Il faut bien donner du temps aux amours invisibles. S’en occuper un peu. Encore maintenant je me demande comment tu vas. Ce que tu fais. Je cherche de tes nouvelles. J’invoque la colère pour que tu me calmes. Quelques rires où tu me rejoindrais. Et le soleil a changé, puisqu’il manque une ombre. »

En seulement 170 pages, Samuel parvient à exprimer avec brio, et sans compromissions aucunes, toute la difficulté et l’ambiguïté des comment remplir le vide, se souvenir et continuer à vivre… dans l’épreuve du deuil d’une personne chère, sorte de figure repère. « Comment arrive-t-on si vite en enfer ? Je n’ai même pas regardé le chemin pour revenir en arrière. Et puis, personne ne m’avait prévenu qu’on mourait déjà avant la mort… C’est invisible. Tu sens l’odeur ? Le feu n’éteint pas les larmes… Tout est témoin du pire… J’ai installé notre fils sur le banc. Je lui ai dit qu’il ne te verrait plus jamais. Plus jamais. Il m’a demandé quand il te reverrait. Plus jamais. Il m’a demandé encore quand il te reverrait. Plus jamais. Et encore. Plus jamais. »

Elisa Palmer

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