Le virage vers une automobile pensée comme une plateforme logicielle a déjà commencé. Et les alliances stratégiques se multiplient, révélant une recomposition des rapports de force dans l’écosystème mondial.
Le constructeur allemand BMW a ainsi renouvelé en 2023 son partenariat avec Nvidia pour développer sa plateforme de simulation Omniverse, un jumeau numérique permettant d’optimiser ses usines connectées. « L’intelligence artificielle ne se contente plus de piloter des fonctions, elle structure désormais notre organisation industrielle », déclarait alors Milan Nedeljković, membre du directoire BMW AG en charge de la production.
Même logique chez Stellantis, qui a lancé en 2024 STLA Brain, une architecture logicielle centralisée et évolutive embarquant des modules IA pour la personnalisation de l’expérience conducteur et l’optimisation énergétique en temps réel. Le groupe s’est associé à Amazon Web Services pour la gestion des données à grande échelle. Carlos Tavares, PDG de Stellantis, résumait ainsi l’enjeu : « Ce n’est plus le hardware qui fait la différence, mais notre capacité à délivrer des services embarqués fluides, sécurisés et intelligents. »
Des startups aux avant-postes de l’innovation
Les jeunes pousses ne sont pas en reste. La française Prophesee, spécialiste de la vision neuromorphique, collabore avec Renault sur des capteurs bio-inspirés capables de détecter des micro-mouvements bien plus rapidement que les caméras traditionnelles. Tandis que la startup israélienne Mobileye — désormais intégrée à Intel — fournit des systèmes de perception avancée à plusieurs constructeurs européens pour leurs programmes de conduite autonome de niveau 3 et 4.
Derrière ces collaborations se cache une redéfinition profonde du cycle de valeur : l’innovation ne vient plus exclusivement des R&D internes, mais d’une logique de co-développement agile. L’IA devient ainsi un territoire de convergence entre technologie, industrie et service.
Un futur encore flou mais irrésistiblement en marche
Malgré des avancées spectaculaires, la conduite autonome généralisée reste entravée par des verrous réglementaires et des problématiques de responsabilité. Mais les progrès réalisés dans l’assistance contextuelle, le traitement embarqué des données et la cybersécurité laissent entrevoir un horizon plus clair.
« Le vrai enjeu est moins technologique que culturel. Il s’agit de transformer l’ADN même de l’automobile », observe Céline Delavaux, analyste chez Les Echos Études. Une conviction que partagent de nombreux dirigeants de la filière, qui voient dans cette transition un nouveau cycle d’innovation, aussi structurant que celui du moteur thermique en son temps.