Home Art de vivreCulture La Pulsion Dystopique de la mode est-elle réservée à la Haute-Couture ?

La Pulsion Dystopique de la mode est-elle réservée à la Haute-Couture ?

by Manon Renault
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La Haute-couture : le système ancien. Celui de l’aristocratie, de la classe des loisirs-une classe sociale qui dépense, et se dépense dans la mise en scène d’une vie ostentatoire. Un système dont l’histoire est pleine de vagues, souvent dérisoire. Décriée dans les années 60 par Saint Laurent, Cardin; l’histoire de la Haute-couture se comprend au regard des nouveaux cycles dans la définition de la « mode » par les couturiers et les citoyens. La haute-couture meurt alors que le prêt-à-porter s’invente au fil des années 60. Les revendications des nouvelles générations s’avèrent ne plus être celles des anciennes. Les révoltes frappent, les vêtements changent, la Haute couture souffre.

Vivons nous à nouveau ce besoin essentiel de changement ?

Plus que jamais la mode est colorée, pleine de patchwork, de vert sorbet et d’orange sanguine. Ça frôle le mimétisme du London Swinging, des hippies de Berkeley et des étudiants de mai 68. Ce qui reste de ces images du passé : des symboles libertaires. Peu importe les faits réels : la volonté de changement, face à un système grisonnant et la volonté d’émancipation ont traversé les années et reviennent en fronde en 2018. Longs cils de biche, imprimés psychédéliques, jupes évasées. Courèges, Paco Rabanne ne semblent pas loin. Une dynamique Hippie Spatiale qui répond à Trump, au Brexit, à la situation politique Italienne. Une surabondance créative comme pour rééquilibrer une absence de sens dans la vie politique. La France utilisera t-elle cette même euphorie créative débordante de couleurs comme une arme? Viendra t-elle, à coup de crayons de couleurs, exprimer une situation politique pas si rose?

En attendant la sanction, revenons sur l’état de la Haute-couture: est-elle morte en Juillet dernier ?


Aguicheuse comme une dystopie !

Y’a comme un goût de dystopie, une ambiance fin du monde dans l’air. Sur tous les écrans y a des humanoïdes. Juillet 2018 : les podiums se remplissent de nouvelles formes de femmes .

Mi Robot, Mi-végétale : elles n’ont plus rien en commun avec les pin-up de calendriers. Sommes- nous entrain de définir un nouveau sexy ? Fini la dentelle, les perles et les portes jarretelles : la peau bleu, les lunettes casques et les ceintures style harnais de sécurité remplacent les paillettes. Si la technologie exacerbée tue le désir pour certains, d’autres n’hésitent pas à fantasmer des parties de Love and sex with Robots( cf: David Levy en 2007). Le désir est quelque chose de compliqué, car lié à des pulsions qu’aucune politique ne peut contrôler directement. Alors les institutions dissimulent valeurs morales et éthiques dans des récits binaires sur le futur ou la technologie s’oppose à la réalité, ou le coït s’oppose à l’amour. Une énième tentative de partage du Bien et du Mal.

La Haute-couture est-elle prisonnière de ce même dualisme ?

La dystopie : une tyrannie ? 

Omniprésence de la surveillance, états totalitaires et cataclysmes climatiques : des trames qui font le buzz depuis une dizaine d’années, des trames qui reflètent les angoisses du présent. En 2017 le groupe HULU cherche à écraser ses concurrents et va repêcher le récit dystopique de Margarett Atwood : The Handmaid’s tale. L’histoire d’une société ou les femmes, frappées d’infertilité, sont réduites à l’état d’objet fonctionnels. La série désérotise le rapport sexuel : elle le mortifie. Leurs tenues ne sont pas futuristiques mais elles ne sont pas glamour non plus. Ce sont des costumes pour délimiter les rôles, soit une fonction utilitaire du vêtement. Est-ce là le destin de la haute-couture ? 

Une réponse à l ‘époque Pornographie à volonté

Dans les cahiers du cinéma, Jean Sebastien Chauvin parle de « la grande peur de l’organique » soit une tendance du cinéma face au « mainstreaming pornographic ». Les manières de raconter la sexualité changent, et The Handmaid’s tale illustre ce repli patriarcal, typiquement dystopique ou le sexe est exclusivement un moyen d’aboutir à la natalité. Pas une source de plaisir. Pourtant nos femmes Haute-couture, sont reconnues pour leur volupté et leur glamour. Juillet 2018 : Iris Van Herpen présente un défilé intitulé« Syntopia ». Selon elle, il ne s’agit ni d’une utopie, ni d’une dystopie : mais d’accepter un futur qui se construit actuellement. La robe « Syntopia », est composée d’acier inoxydable et de coton noir : une rencontre entre l’organique et le métallique. La question de sexe, de plaisir et de séduction semble dépassée. Ce sont d’autres problématiques qui deviennent celle de la Haute-Couture. 

La Haute-Couture redéfinit le luxe. Il s’agit du récit ou l‘homme parvient à imiter les techniques de la nature via une technologie de pointe, et crée des matières naturelles, biodégradables végétales. Désormais le luxe, et d’être habillée par la haute-technique, en haute-nature. Le tout sans glamour ? 

La femme dystopique: une sexualité relayée au second plan

Depuis longtemps, le sexe n’est plus la réponse à un  besoin primitif de perpétuer une espèce: c’est un plaisir, et le vêtement a souvent été réduit à un outil de séduction. Souvent dans une vision binaire du genre et de la sexualité : une femme cherchant à séduire un homme en revêtissant une robe fendue. Elle l’épouse dans une robe de princesse, puis vieillit en revêtissant la fortune de monsieur sur son corps épuisé d’être réduit à la fonction de faire-valoir.

 Avec le tournant vers de nouvelles problématiques, la Haute-Couture se détache de la question des partages des genres historiques et se tourne vers une esthétique, un brin dystopique pour évoquer la nature qui à besoin de souffler. Pourtant ce n’est pas la fin de la Haute-couture, juste la fin d’une manière de concevoir les vêtements comme objet de séduction. Ils semblent que la question écologique supplante les autres problématiques. La Haute-couture devient le laboratoire d’une invention textile nouvelle. Comme elle a pu être le laboratoire de l’architecture et de la sculpture .

Alors que la saison de prêt-à porter s’annonce comme un hommage au réminiscence du style des contre-cultures militantes, la Haute Couture s’est positionnée en Juillet dernier comme un lieu de recherche au service de nouvelles manières de construire le vêtement pour une nouvelle « espèce ». Une nouvelle espèce qui est née suite à la révolution ?

Que ce soit la Dystopie ou l’Utopie, chacune co-existent et sont des manières de représenter les mêmes angoisses. Souvent l’utopie puisse dans le passé mystifié et glorifie une époque de tout les « possibles » tandis que la dystopie dépeint un futur ou plus rien n’est possible.

Les deux sont les symptômes d’un présent qui ne convient plus.

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