Home ModeFashion Week Fashion Week Masculine Printemps/été 2019 : Jour 6-Tous les produits d’une histoire

Fashion Week Masculine Printemps/été 2019 : Jour 6-Tous les produits d’une histoire

by Manon Renault
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Image -Insta : #balmain

Je me souviens d’une photographie laissée sur une table basse, d’une image de « moi enfant »…Les feuilles mortes se ramassent à la pelle. La chanson mélancolique des souvenirs hante tous les communiqués de mode. Une volonté de filiation , un besoin de s’inscrire dans un temps long, dans une famille par des références. Le vêtement est un moyen de dire son appartenance et de faire sens dans une histoire de la mode.  Toutes les maisons ne sont pas égalitaires face au droit de devenir souvenir. Les débutants doivent se faire un nom, puis se légitimer pour pouvoir s’intellectualiser et classer leur patrimoine. Des pièces « références » traversent cette journée. Les combinaisons garagistes Agnès B. , la petite veste en tweed Chanel…  » des références ». Certaines pièces, ont tant circulées, qu’il seraient indécent de s’en revendiquer le propriétaire. Comme le jean, le grand regret de Saint Laurent. Une pièce qui semble faire souvenir à divers titres de Balmain à 1017 ALYX 9SM, en passant par Officine Générale.

Alors que les couleurs pastels, et les imprimés enfantins marquent cette semaine, le droit au souvenir, au statut d’enfant est-il une revendication nouvelle ?

La question : La « rivière de l’enfance » : une vielle chanson qui  s’impose aux créateurs ? Les héritages, les souvenirs ont-ils tous leurs places dans l’univers du luxe ? 


AGNÈS B, L’invention d’une tradition

Une femme qui ne s’est jamais laissée dessiner, et a mis son crayon au profit des hommes, des femmes. Au fil des années ses traits se distinguent. Ils hissent des ponts entre les arts. Les coups de crayons s’allient au spray de peintures : Agnès B, ce ne sont pas de simples vêtements mais une institution artistique. Un carrefour. Agnès B., c’est en quelque sorte une révolution dans la manière de concevoir la mode, et ça tombe bien puisque la maison semble avoir un goût pour la révolte. Du costume révolutionnaire, à l’habit de travail, en passant par le vestiaire du rockeur. Des insoumis qui traversent les collections. En pleine période de grève des chemineaux, le défilé s’ouvre avec un balayeur :  il est temps de balayer le passé, mais sans l’oublier. Pour ne pas se perdre dans une répétion de ses collections, Agnès B fait peau neuve avec les lumières des couchers de soleils.

CHRISTIAN DADA : capture de l’histoire perdue

Immortaliser le passé : tout un enjeu. Une volonté de figer, de capturer des instants. Mais les êtres vivent. Ils glissent et s’en vont. Même les drônes ne peuvent les rendre éternelles. Chez Christian Dada les corps s’évaporent dans de longues capes, des parkas imprimés des photographies de Nobuyoshi Araki. Masanori Morokawa crée un Christian Dada de costumes blancs aux coupes amples- une filiation avec le Japon. Mais pas n’importe quel Japon: celui du temps long, des rites. Les mannequins défilent: certains portent sur leurs visages les marques du temps- peu importe tous ont les mêmes silhouettes longilignes vaporeuses. Le vêtement efface le temps ? 

1017 ALYX 9SM :Poser les parpings de l’histoire à venir

L’avantage avec l’histoire, c’est qu’elle n’est jamais complète. Il s’agit d’un discours, d’une construction que la société a besoin d’entendre à un moment T. Du coup des voix sont absentes. Au fil du temps, elles trouvent des micros et peuvent se faire entendre et défendre leurs versions des faits. Parfois on appelle cela des subculturs. Pour cette première collection homme, Matthew Williams file le micro aux boîtes de nuits alternatives, aux soirées New-yorkaises confidentielles, aux cultures underground des années 90-2000. 1017-Alyx-9SM: l’histoire d’un collectif qui aujourd’hui remporte toute l’attention.Ce sont les Virgil, Kayne West et Kim Jones. Ils rétablissent une histoire et font celle de Monsieur Arnault.


Une enfance à Versaille, une enfance devant Mtv. Des enfances volées, des enfances retrouvées. Toutes se mélangent dans le processus des créations des collections. Pas besoin d’une longue histoire pour se nourrir des souvenirs. Ils nous rongent, ils nous forgent : et des créations fabuleuses en ressortent. La nécessité d’un retour à l’enfance n’est pas posée de manière naïve par la mode. L’industrie pose des questions sur ce moment ou toute la filiation s’impose à nous, via l’éducation. Olivier Rousteing a un parcours fulgurant. Une figure qui a fait ses souvenirs sans « racines » et aujourd’hui pose Jackson et la pop culture strass comme nouvelles racines de Balmain.

Pendant une semaine, les hypothèses de la scène anti-mode ont travaillé la mode. La réponse de l’industrie ? Revenir à l’état d’enfance, aux stades de l’invention de tout les possibles, réinvestir le cérémoniel du temps long et couper court au débat du genre ? 

 

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