Home ModeFashion Week Rencontre avec Sai Hu : Commun’s -les vertus de la patience

Rencontre avec Sai Hu : Commun’s -les vertus de la patience

by Manon Renault
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Veille de Fashion Week Masculine : Sai Hu travaille sur les visuels pour sa présentation presse. Sa marque Commun’s, est pour la première fois exposée pendant la semaine des défilés. En février, la présentation presse avait convaincue les stylistes des magazines en pleine euphorie de la mixité: « Mes pièces sont souvent portées par des femmes, pourtant, pour moi ce sont des pièces masculines. Je ne les ai pas pensée pour être mixtes. Mais c’est superbe que chacun puissent se les approprier ». Le jeune créateur chinois a tout juste quitter les bancs d’ESMOD et se lance sur un nouveau front. Celui de la jeune scène mode parisienne. Pour cela, il choisit de retracer l’histoire stylistique du début du XXième en France- la période de guerre plus précisément. « J’aime partir de pièces et découvrir peu à peu les histoires derrières. Je ne parle pas de la grande Histoire, mais des sentiments et des émotions autour d’un vêtement. J’imagine des histoires qui sont finalement sans dates, en traversant une ‘Histoire qui en est pleine. » La collection se compose de grands manteaux, habilement effilochés, de vêtements rappelant les bleus de travail ou encore des motifs militaires et pied de poule. Le travail de superposition est remarquable, et amène inévitablement à John Galliano. Sai Hu sourit. Bien trop humble pour commenter.

Il nous parle de sa collection, de son rapport à la création mais aussi de sa vision de la Chine. Une rencontre qui donne envie de se battre, sans haine, ni violence : juste envie d’être moins élitiste -de se rappeler que rien n’est jamais acquis.


 Commun’s : Collectionneur d’histoires

 « La présentation est dans 3 jours, tout doit être prêt, je veux que les choses soient bien exposées. » Sai Hu est d’un calme étonnant, alors que le téléphone ne cesse de sonner. Il nous présente son équipe « des gens rencontrés lors de mes études ». Sai Hu imagine seul ses collections avec un certain art pour chiner. « J’aime bien aller aux puces. Cela demande du temps(…) J’écoute les histoires des gens,(…) ils m’expliquent d’où viennent les vêtements. Je pose beaucoup de questions (…) Trouver des pièces d’époques m’informe sur l’esthétique mais surtout les techniques employées. J’observe les détails, comme la largeur d’une poche(…) Puis je m’entraîne en reproduisant et en adaptant aux besoins modernes. Mais avec des outils anciens. » De fait- toute une collection d’outils d’époques se dissimule dans l’atelier. Par exemple, une machine à oeillet se cache dans un coin.  » Je ne collectionne pas depuis longtemps. Depuis que je suis en France surtout. En Chine, il n’y a pas beaucoup de chose à collectionner, enfin selon moi !« . La valeur des choses mute d’un regard à l’autre. Dans les yeux de Sai Hu, les vêtements d »époques deviennent les supports d’histoires qui n’ont rien de lugubre et sombre.  « Ce sont beaucoup d’émotion qui se rencontrent dans les pièces. Comme dans les lettres qui s’échangent pendant la guerre. Aujourd’hui en relisant les mots, les émotions sont encore plus intenses ». C’est peut-être ça le travail de Commun’s : traduire en émotions universelles les vêtements, les histoires particulières. En faire des biens communs.

L’ Autopsie des Vêtements

En disséquant les vêtements , Sai hu révèle un rapport à la création semblable à celui d’un chirurgien sous l’Inquisition qui cherche à comprendre le fonctionnement du corps. Dans son atelier, près de République, les pièces délaissées font l’objet d’autopsies.  En plus de permettre d’étudier la fabrication du patronage, et la construction du vêtement, l’autopsie sert à remettre en question la valeur que l’on accorde aux objets. » Il existe des vêtements qui sont des outils de travail. Très fonctionnels. Cela est même devenu un style en soi. Je fais attention quand j’utilise ce type de vêtements. Dans leurs contextes d’origines ils répondent à des fonctions très pratiques, à des besoins. (…) Le prêt-à-porter c’est le style. Tous les vêtements doivent être modernisés par le style. En collectionnant j’observe. Le but n’est pas de faire des copier-coller. Mais de faire des mélanges, de créer des styles. S’inscrire dans le renouveau. C’est ça la mode! « . En voyageant dans les époques, Commun’s conçoit son propre style. Une griffe qui déchire les tissus bleus imprimés de fines fleurs, et transforme le bleu de travail en costume plein de douceur. D’ailleurs le travail en douceur est sans doute l’une des valeurs qui définit le label.

Acceptance sans résilience

« En Chine il y a beaucoup d’étudiants est très peu de places. C’est un pays très compétitif. J’ai d’abord étudié la conception visuelle à Pékin, puis je suis venu en France. J’ai passé 3 ans à ESMOD. Avant j’ai eu 4 mois pour apprendre le français, puis j’ai continué à étudier en même temps que les cours et les stages. » Rien d’étrange pour Sai : il faut apprendre et se donner les armes nécessaires pour se faire une place. En Chine c’est compliqué .’ » Ces trois dernières années les choses ont beaucoup changées. Mais en même temps les manières de travailler, de réfléchir restent les mêmes. La société évolue, mais les structures semblent figées ». Pour illustrer cela, Sai prend l’exemple de la mode « Ce ne sont pas les vêtements,le style ou les tendances qui intéressent en Chine. C’est l’aspect commercial qui est très développé ». En effet il existe des écarts : pour devenir leader dans le secteur de la mode, la Chine se concentre sur la vente. Quand est-il de la création et de la communication ? «  Nous avons de bon designer, mais la plupart on fait leurs études ailleurs. De plus il est difficile sur place d’avoir un accès complet à la mode. Peu de sources sont mises à disposition. »  Sai est lucide, et plein de sagesse. Il a su faire des contraintes de son pays ses armes. Le mot arme, ne convient sans doute pas-puisque ses créations, tout comme ses mots, recèlent d’une sérénité qui pousse au respect. L’avenir  » Des défilés ? Je ne sais pas, pour l’instant je me concentre sur cette collection. Quand j’aurais une clientèle, alors je pourrais dessiner la suite avec elle. «  Ne pas bousculer les choses, ne rien brutaliser. Accepter. Commun’s c’est une sorte de paradigme qui repose sur l‘acceptation. La suite viendra naturellement.

Commun’s : à découvrir sur Instragram et le site.

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