Home ModeFashion Week Le jour d’avant / Pourquoi être la pythie de la mode n’est pas une carrière qui a de l’avenir ?

Le jour d’avant / Pourquoi être la pythie de la mode n’est pas une carrière qui a de l’avenir ?

by Manon Renault
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Prédire les tendances : un don divin réservé à quelques semi-dieux. Dans la mode ces gens sont, et seront toujours présents : mais sont-ils toujours autant adulés – dépose-t-on encore des offrandes à leurs pieds?

Ils expliquent le style athleisure, la vague du tartan, les costumes sur-dimensionnés à coup de j’aime qui résonnent comme des injonctions pour le lecteur; qui à son tour s’entiche, sans comprendre, des coups de coeurs des rédacteurs .

La fin d’une écriture sur les défilés ? 

En juin 2015, Y/ Project présentait au Gibus sa collection printemps/été 2016. Le défilé était mixte- déjà. Il faisait chaud à crever dans ce sous-sol de concert : c’était parfait. Les mannequins avançaient d’un pas sec, dans leurs jeans slims taille haute. Les pièces métalliques reflétaient les néons rouges des enfers du rock: toute la magie de ce que pouvait être un défilé m’apparaissait. J’étais là. 

Mon avis sur les vêtements ? Sur ce qui va être un hit commercial ? Mes conseils ? Peut importe. Aller jusqu’au Gibus, et être spectateur de l’élaboration du film d’une époque; où tout ce que pouvait être une subculture musicale trouvait ses points d’ancrages dans les colliers aux lettres gothiques 90’s ou les bombers oversizes : tout ça été à lier et à raconter- à transmettre. Tout un projet d’écriture.Y/project avait joué avec l’histoire culturelle, l’histoire de la mode et l’histoire des révoltes.

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Mode culturelle, et identification des fronts qui se creusent. Voila ce que chaque jour, durant la fashion week masculine il faudra raconter. D’une subjectivité avertie, on écrit ce qui sera, ou ne sera pas. Pas de pythie, par pitié : de toutes façons aux vues des fashion weeks de Londres, Florence et Milan il semble hasardeux d’annoncer quelconques prophéties.

La seule : La fashion week masculine de Paris aura lieu du 16 au 21 janvier 2018.


 

Comme qui dirait, place aux jeunes

Pour échapper à  cette lugubre prophétie de « fin de la mode » les plus grandes maisons réinventent leurs défilés, si bien qu’il est difficile de savoir de quoi il s’agit. Ouverture d’un restaurant pour Gucci qui réserve sa présentation pour février, défilé dans les réserves d’art des propriétaires de la maison pour Prada, prolongements des hostilités dans des bars, hapennings publics et soirées « bacchanales » pour Rick Owens : les coups d’essais pour ne pas se laisser dépasser ne manquent pas.  Les lieux habituels, qui font des défilés de mode une structure stéréotypée ( autour du trio Podium/ Mannequin/ Mur de photographes ) sont désertés des étendards de l’industrie pour mieux être envahi par de jeunes créateurs; dont la prononciation des noms promet de jolies tôlées .

Pour la première fois , le Pitti uomo de Florence rencontre une médiatisation tout aussi importante que la Fashion week de Milan.  Le lieu qui prouve que la création stylistique existe encore : et ce sont les Coréens et Japonais qui se hissent en haut de l’affiche. Le moment de grâce est signé Undercover et The Soloist avec un show sur le thème post-apocalyptique. Comme si la mode s’était désintégrée pour renaître en quelque chose de nouveau : des longs manteaux drapés, de jupes plissées et des combinaisons astronautes. 2001 l’odyssée de l’espace est la référence revendiquée. Une histoire ou la machine prend le pas sur l’homme : Une crainte que dépasse la mode ?

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S’emparer des discours dystopiques, les exposer, et les exploser 

Le noir, les costumes sur-dimensionnés portés par de frêles corps. Masque de bondage chez Jeremy Scott, et du tartan un peu partout, entre Prada Marni et Versace. Des vêtements, des symboles d’oppositions, de combats et des luttes. Les costumes du capitalisme sont des déguisements, et les parkas contre les froids adopter à cause du dérèglement climatique sont colorées comme des arcs-en ciel.  Les mannequins n’habitent pas les vêtements : ce sont les costumes d’une époque qui se racontent. Comme si nous n’étions plus que les reflets de nos vies virtuelles. Un agréments d’ images publicitaires et médiatiques.

Finalement, c’est ce qu’on aimerait croire de l’univers de la mode. Frivole, commerciale, simples histoires marketings. Pourtant toutes les problématiques de notre époques se trouvent là : dans les imprimés rouge à lèvre de Prada, dans la mode multiculturelle de Diesel ou dans l’impertupable tailoring dit masculin d’Armani.  Sur les podiums tout est exposé, car tout à déjà était incorporé par des designers qui ne sont pas des humanoides sans sentiments, déconnectés des réalités.

Les nouveaux noms sont mis en avant, tout comme les salons d’innovations. Les tendances archi-vues et revues sont recluses. La northern soul de Ben Sherman et Henry Holland,  la créolite de Grace Wales Bonner, les nomades de Craig Green,  ou John Lawrence Sullivan et ses costumes allongés de mafieux japonais. Place à la nouveauté.

John Lawrence Sullivan Automne-Hiver 2018 – Archiv

Christopher Raeburn

Du manifeste anti-fashion à la post-mode

Voyages, et atterrissages après la fin du monde. The World Went away. La gentrification des villes pousse à la remodulation- soit une nouvelle forme de dire que la mode qui se traduit dans les vêtements. À Milan les défilés migrent vers le Sud, à Paris ils s’ouvrent au Nord (GmbH ou Namacheko). Un pillage post-apocaliptyque ? 

A côté de ce front, celui de l’ostentatoire ou le streetwear, sportwear sont encore présents. Les logo sont là : Kent & Curwen à Londres, ou plus détonnant, la casquette parapluie Fendi – soit des créateurs qui en ont raz la caquette de l’ennuie, rigolant de l’étiquette hype. Comme pour nous dire : La mode est commerciale ? Très bien, elle le sera. Un parti pris.

Selon Lidewij Edelkoort le système de la mode est obsolète : de l’enseignement aux médias tout est à revoir. La moutonnerie nous agglutine autour des milléniales –une utopie marketing, la communication prend la pas sur la créativité et les valeurs anciennes, tout comme le virtuel ternissent la mode réelle.

Le problème: pour déconstruire cette « mode obsolète », il faut dépasser l’opposition entre l’ancien et le nouveau, le virtuel et le réel. Chose qui semble s’accomplir aux vues des collections. Les discours alarmistes de la mode sur elle-même : une inspiration ? Prada renoue avec le nylon noir et présente une collection autour du thème de la déconstruction/reconstruction. Les collections précédentes se mêlent dans des graphismes nouveaux.

La fin de la mode ? ! Pas encore. Lidewij Edelkoort reste une prêtresse de la mode.  
Cette semaine, pas de conseils, de tutos ou des photos livrées sans explications : Instagram et You tube sont là pour ça. Juste retrouver la magie du Gibus.

Manon

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