Home Horlogerie et JoaillerieQuand Maison Dior traduit la dentelle enfiligrane d’or

Quand Maison Dior traduit la dentelle enfiligrane d’or

by pascal iakovou
0 comments

Trois nouvelles pièces enrichissent la collection Couture Dior Joaillerie. Au-
delà de l’exercice stylistique, cette extension interroge la capacité des ateliers
à transposer l’aérien du textile en la rigueur du métal précieux.
Il existe dans les archives de l’avenue Montaigne des échantillons de dentelles que
Christian Dior conservait précieusement. Le couturier, dont la passion pour les
jardins de Granville puis de Milly-la-Forêt a façonné l’imaginaire de la Maison, voyait
dans ces tissus ajourés une forme de végétation figée : des nervures, des pétales, une
architecture organique capturée dans le fil. C’est précisément cette filiation que
poursuit aujourd’hui Dior Joaillerie avec les trois nouvelles créations de la collection
Couture Dior : une bague, une paire de boucles d’oreilles et un ras-de-cou rehaussé
de velours.
Le filigrane, technique dont les origines remontent à l’Égypte du cinquième
millénaire avant notre ère, consiste à entrelacer et souder des fils métalliques d’une
finesse extrême — parfois deux dixièmes de millimètre de diamètre — pour obtenir
un effet de résille proche de la broderie. Les orfèvres étrusques, puis vénitiens au
treizième siècle, en ont fait un art majeur. Aujourd’hui, seuls quelques ateliers dans
le monde maîtrisent encore cette discipline qui ne souffre aucune mécanisation. Chez
Dior Joaillerie, ce savoir-faire ancestral trouve une résonance particulière : il permet
de traduire en or rose les motifs fleuris chers au fondateur de la Maison.
Les pièces présentées articulent deux tailles de diamants — marquise et brillant —
selon une logique qui évoque moins le serti traditionnel qu’une ponctuation
lumineuse. Le métal ajouré ne sert plus de simple support aux pierres ; il devient lui-
même matière expressive, dessinant des volutes dont la légèreté apparente dissimule
la complexité technique. Car le défi, dans ce type de réalisation, réside autant dans la
structure que dans l’esthétique : maintenir la solidité d’un bijou tout en préservant la
sensation d’aérien que procure l’original textile.
Cette extension s’inscrit dans une exploration récurrente chez Victoire de Castellane,
directrice artistique de Dior Joaillerie depuis 1999. Dès 2018, pour les vingt ans de la
division joaillière, elle avait déjà interrogé la dentelle à travers la collection
Dior Dior Dior, puis avec Dearest Dior en 2023. Plus récemment, la collection Dior
Milly Dentelle, présentée début 2025, a poussé plus loin encore ce dialogue entre
couture et joaillerie, avec soixante-seize pièces uniques inspirées du domaine de
Milly-la-Forêt où le couturier aimait se retirer après ses défilés.
Le choix du velours pour le ras-de-cou mérite attention. Ce matériau, habituellement
cantonné aux écrins, devient ici partie intégrante du bijou. Il introduit une
dimension tactile, un contraste de textures entre la douceur du textile et la précision
froide du métal précieux. Une façon, peut-être, de rappeler que chez Dior, la frontière
entre les métiers d’art n’a jamais été étanche.

LUXSURE

Page 2

Reste à observer comment ces nouvelles pièces s’intégreront au corpus plus large de
la joaillerie Dior. La Maison a fait de la transposition des codes couture — rubans,
broderies, imprimés — son territoire distinctif sur la place Vendôme. Dans un
marché où les grandes manufactures tendent à lisser leurs identités, cette cohérence
narrative constitue un ancrage. Elle pose aussi une question : jusqu’où peut-on
pousser la métaphore textile sans épuiser le procédé ? La réponse, comme souvent
dans le luxe, se trouve moins dans l’innovation que dans la justesse du geste.

Related Articles