Il est des lieux parisiens où la temporalité semble suspendue, ou du moins, superposée. Pour le passage à l’année 2026, l’Hôtel de Crillon ne se contente pas d’organiser une réception ; la Maison orchestre une conversation entre la rigueur architecturale du XVIIIe siècle et les codes de la fête contemporaine. Au sein des Salons Historiques, qui dominent la symétrie parfaite de la Place de la Concorde, la soirée du 31 décembre s’annonce comme une expérience de « fête galante » réactualisée, où le faste de l’Ancien Régime rencontre la technicité culinaire d’aujourd’hui.
La première partie de la nuit, conçue sous la forme d’un cocktail dînatoire, met en lumière une approche gastronomique brute et précise. Loin des banquets statiques, la Maison privilégie le mouvement et le geste culinaire en direct. Sur la terrasse, l’utilisation du Bichotan — ce charbon de bois blanc japonais réputé pour sa chaleur constante et pure — pour la cuisson du bœuf Wagyu et des Saint-Jacques apporte une note fumée et technique qui contraste avec les dorures des intérieurs. Ce soin apporté au produit, complété par le foie gras et une sélection œnologique pointue, s’accompagne d’une scénographie vivante mêlant musiciens et danseurs, rappelant la vocation première de ces salons : le divertissement de l’esprit et des sens.
À l’approche de minuit, la narration de la soirée bascule vers une esthétique plus théâtrale et subversive. Le Salon Batailles devient le théâtre d’un bal masqué moderne où la figure de Marie-Antoinette, indissociable de la mémoire des lieux, est réincarnée par la DJ en charge de la programmation musicale. Ce clin d’œil historique n’est pas anodin ; il souligne la capacité du Crillon à jouer avec son propre héritage sans s’y enfermer. Le point d’orgue de cette transition temporelle est marqué par l’intervention du Chef Pâtissier Matthieu Carlin, qui signera le décompte de la nouvelle année par le flambage d’une omelette norvégienne. Ce geste classique, maîtrisé et spectaculaire, scelle une nuit où l’élégance parisienne affirme sa pérennité.

















