Le luxe mondial retient son souffle. Après les années d’euphorie post-pandémique, le marché entre dans une phase de maturité introspective. Selon la dernière étude Bain & Company en partenariat avec Altagamma, les dépenses mondiales dans le secteur devraient se stabiliser à 1,44 trillion d’euros en 2025. Mais derrière cette apparente stabilité des chiffres se cache une révolution culturelle profonde : le passage d’une accumulation d’objets à une quête éperdue d’émotions.
Le Grand Basculement : De la Possession à l’Expérience
C’est ce que l’étude qualifie de « changement tectonique ». Le consommateur de luxe moderne délaisse la « consommation ostentatoire » pour privilégier une « indulgence expérientielle ». Les garde-robes débordent, mais les agendas, eux, ont soif de souvenirs.
Alors que le marché des biens personnels de luxe (mode, maroquinerie, accessoires) stagne avec une prévision de 358 milliards d’euros (en baisse d’environ 2% aux taux de change actuels), d’autres secteurs s’envolent. L’hôtellerie, les croisières de prestige et la haute gastronomie deviennent les nouveaux vecteurs de statut. C’est une redéfinition du luxe qui pivote vers le bien-être, la connexion humaine et la récompense de soi. À l’inverse, les symboles traditionnels de réussite matérielle, comme l’automobile de luxe, voient leurs volumes décliner, à l’exception des segments ultra-sportifs.
Une Nouvelle Géographie du Désir
La carte du monde du luxe est en train d’être redessinée sous nos yeux. Les forteresses historiques vacillent : la Chine, longtemps moteur de la croissance, devrait voir ses dépenses se contracter de 3 à 5 % cette année , tandis que l’Europe fait face à un ralentissement (-1 à -3 %) dû à une baisse des flux touristiques.
L’effervescence se déplace. Le Moyen-Orient s’impose comme la région la plus performante, affichant une croissance prévue de 4 à 6 %, portée par le dynamisme de Dubaï et de l’Arabie Saoudite. Plus fascinant encore, l’émergence d’un nouveau bloc de puissance : l’association du Moyen-Orient, de l’Amérique Latine, de l’Asie du Sud-Est, de l’Inde et de l’Afrique représente désormais une valeur de marché d’environ 45 milliards d’euros, égalant la taille de la Chine continentale. De la Gen Z en Asie du Sud-Est à la classe moyenne indienne, ces « nouvelles frontières » redéfinissent les codes.
L’Objet Refuge : Quand l’Émotion Guide l’Achat
Dans ce contexte de recalibrage, tous les objets ne sont pas égaux. Si la chaussure peine à séduire et que la maroquinerie cherche son nouveau souffle, certaines catégories résistent grâce à leur charge émotionnelle. La joaillerie tire son épingle du jeu avec une croissance attendue de 4 à 6 %, soutenue par l’appétit pour des designs personnalisables et une valeur patrimoniale.
De même, les parfums continuent de dynamiser le secteur de la beauté, portés par une personnalisation accrue via l’intelligence artificielle. L’heure est à la « vérité » pour les marques : avec des marges revenues aux niveaux de 2009, elles doivent impérativement réenchanter leur clientèle. L’avenir appartient à ceux qui sauront tisser l’éthique et l’authenticité au cœur de leur proposition de valeur, transformant chaque boutique — dont la surface globale tend à se réduire au profit de lieux plus immersifs — en un temple d’émotion.
