Home Horlogerie et JoaillerieVanderbilt, la splendeur retrouvée : Tiffany & Cartier au cœur d’une vente genevoise qui réveille la Belle Époque

Vanderbilt, la splendeur retrouvée : Tiffany & Cartier au cœur d’une vente genevoise qui réveille la Belle Époque

by pascal iakovou
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Dès l’annonce, on a senti souffler un vent de Gilded Age sur Genève. Le 10 novembre 2025, Phillips orchestre The Geneva Jewels Auction V à l’Hôtel Président (Quai Wilson 47), avec, en somptueux fil conducteur, une sélection de bijoux historiques de la famille Vanderbilt — ces objets de désir qui racontent un monde d’ascensions vertigineuses, de salons démesurés et d’alliances transatlantiques. Au centre du récit, un foudre bleu : “The Vanderbilt Sapphire”, un saphir du Cachemire de 42,68 carats, taille « pain de sucre », monté en broche Tiffany & Co. et entouré de diamants taille ancienne. Estimé 1 000 000–1 500 000 USD (800 000–1 200 000 CHF), il condense l’intensité « Royal Blue » que les collectionneurs traquent comme un mirage. Certifié par AGL, SSEF et Gübelin, ce joyau fut offert par Alice Gwynne Vanderbilt à sa fille, Gladys Vanderbilt, comtesse Széchényi : une pierre-mémoire, un talisman social, une leçon de style.

La Belle Époque a ses codes — délicatesses ajourées, symétries disciplinées, sens du théâtre — que Tiffany & Co. et Cartier ont porté au firmament. Ici, la maison cartiériste apparaît dans une broche diamants (vers 1908) sertie d’un poire de 4,55 cts (couleur E), vestige d’un diadème monumental composé de huit lys stylisés, jadis sertis d’améthystes et de poires interchangeables. Une pièce qui n’est plus « seulement » un bijou, mais une relique d’étiquette : l’objet survivant d’un protocole, d’un rang, d’un faste qui se transmettait comme on transmet une demeure. Estimation : 100 000–150 000 USD (80 000–120 000 CHF).

Le charme de cette dispersion tient aussi aux objets du quotidien magnifiés : peigne serti de diamants (début XXe), nécessaire Cartier en or, rubis et diamants gravé du monogramme de Gladys, pendulette de voyage « 8 jours » (Cartier) offerte à Noël 1913, montre-bracelet en or, rubis et diamants, sans oublier ce nœud d’émeraudes et diamants fin XIXe qui semble retenir — délicatement — une époque entière. Dans leur humilité apparente, ces pièces racontent mieux que des livres la grammaire de l’intime : l’art d’orner le geste, de rythmer une journée, d’écrire sa signature dans le métal et la lumière.

Derrière l’éclat, une provenance qui aimante le marché. Gladys Moore Vanderbilt (1886–1965) a grandi entre le manoir Vanderbilt II de la Cinquième Avenue et The Breakers, à Newport — palais privés qui codifiaient l’idée même d’une société de représentation. Héritière, comtesse, figure de passage entre les Amériques industrielles et l’Europe aristocratique, elle incarne cette génération dont les mariages furent des ponts — de fortune, certes, mais surtout de cultures. Qu’un diadème se fragmente au fil des décennies et qu’il en reste aujourd’hui une broche, c’est un destin de bijou : la survivance par la transformation.

Pour Benoît Repellin, Directeur International Joaillerie chez Phillips, cette collection « représente l’essence même de l’élégance de l’Age d’Or américain » et arrive dans « un moment particulièrement favorable du marché, où les bijoux d’époque — Belle Époque, début XXe — connaissent une demande soutenue, avec un attrait croissant pour les pièces signées, rares et porteuses d’histoire ». Une déclaration qui cadre parfaitement avec l’appétit actuel pour la haute joaillerie patrimoniale : le signe plus que la signature, l’âme autant que la forme.

À noter : l’exposition publique se tient du 5 au 10 novembre 2025 à l’Hôtel Président (Genève), précédée d’un tour international — Hong Kong (24–30 sept.), New York (5–6 oct.), Singapore (10–11 oct.), Taipei (18–19 oct.), Londres (24–26 oct.) — qui fait circuler le récit avant l’adjudication du 10 novembre à 15h (CET). Une dramaturgie bien huilée : faire vibrer la mémoire, puis laisser le marteau conclure.

Dans la constellation Vanderbilt, on choisira sans doute avec le cœur autant qu’avec l’œil. Le saphir cachemire « pain de sucre » est un manifeste — une géologie d’exception métamorphosée par la main de Tiffany & Co. ; la broche Cartier, un éclat survivant d’un diadème qui a connu les couronnements et les lieux de pouvoir ; les objets personnels, la trace discrète d’un art de vivre. Toutes ces pièces forment une archive sensible : elles ne se contentent pas d’orner — elles racontent.

Informations pratiques
Vente : The Geneva Jewels Auction V — 10 novembre 2025, 15h CET. Hôtel Président, Quai Wilson 47, 1201 Genève. Exposition publique : 5–10 novembre 2025, même adresse. Contacts presse Phillips (Europe) : 30 Berkeley Square, Londres (Head of Press Europe : Katie Carder — email indiqué par Phillips).

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