Chaque troisième dimanche de novembre depuis 1859, Beaune devient l’épicentre du monde viticole. La Vente des Vins des Hospices de Beaune — vente aux enchères caritative la plus célèbre de France — mobilise négociants, collectionneurs et amateurs fortunés autour de cuvées parcellaires issues des 61 hectares de vignes léguées aux Hospices civils depuis le XVe siècle. Pour sa 165ème édition, les 15 et 16 novembre 2025, Maison Champy — première maison de négoce bourguignonne fondée en 1720 — propose au grand public un triptyque d’expériences conjuguant gastronomie étoilée, dégustation de grands crus et immersion patrimoniale. Dîner de gala orchestré par le chef Thomas Collomb et la championne du monde des arts sucrés Marie Simon, dégustations commentées de premiers et grands crus, vente au verre d’appellations villages : ces rendez-vous incarnent l’art de vivre bourguignon dans sa plus haute expression, accessible moyennant des tarifs s’échelonnant de 10 à 340 euros.
Généalogie d’un événement philanthropique séculaire
La Vente des Vins des Hospices de Beaune trouve son origine dans l’institution hospitalière fondée en 1443 par Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne Philippe le Bon, et son épouse Guigone de Salins. Cet Hôtel-Dieu, chef-d’œuvre d’architecture gothique flamboyante reconnaissable à son toit de tuiles vernissées polychromes, accueillit les malades et indigents durant plus de cinq siècles. Dès sa création, l’établissement bénéficia de donations foncières — vignes principalement — dont les revenus finançaient son fonctionnement. Les parcelles léguées, disséminées sur les appellations les plus prestigieuses de Côte de Beaune et Côte de Nuits (Meursault, Pommard, Volnay, Corton, Mazis-Chambertin), constituent aujourd’hui un patrimoine viticole exceptionnel de 61 hectares.
La première vente aux enchères publique se tint en 1859, instaurant un rituel annuel désormais inscrit au patrimoine immatériel bourguignon. Les cuvées proposées — identifiées par le nom du donateur historique plutôt que par le nom de parcelle — sont vinifiées par les équipes des Hospices puis élevées par l’acquéreur, introduisant une part d’aléa et de responsabilité œnologique pour l’acheteur. Cette particularité, unique dans le paysage viticole mondial, explique la dispersion qualitative des millésimes Hospices : une même cuvée peut produire un vin exceptionnel ou médiocre selon le savoir-faire de l’éleveur.
La vente génère des recettes considérables — 15,3 millions d’euros en 2024 pour 540 pièces (fûts de 228 litres) — intégralement reversées aux Hospices civils de Beaune, finançant modernisation des équipements médicaux, recherche et actions sociales. Cette dimension caritative confère à l’événement une légitimité morale qui transcende le simple négoce viticole, attirant une clientèle internationale désireuse de conjuguer acquisition patrimoniale et geste philanthropique.
Maison Champy : trois siècles d’expertise au cœur de Beaune
Fondée en 1720, Maison Champy précède de plusieurs décennies l’émergence du négoce bourguignon moderne (la plupart des grandes maisons beaunoises datent du XIXe siècle). Cette antériorité historique lui confère une légitimité particulière, matérialisée par le label Entreprise du Patrimoine Vivant obtenu en 2021. Ce label d’État, créé en 2006, distingue les entreprises françaises détenant un savoir-faire artisanal d’excellence, conjuguant tradition et innovation. Moins de 1 500 entreprises — tous secteurs confondus — bénéficient de cette reconnaissance exigeante.
Maison Champy maintient son activité de vinification et d’élevage au cœur de Beaune, 5 rue du Grenier à Sel, dans des caves voûtées du XVe siècle où l’hygrométrie naturelle (80-85 %) et la température constante (12-14 °C) offrent des conditions optimales de maturation. La maison exploite en propre 21 hectares de vignes en Côte de Beaune, complétés par des achats de raisins et de moûts auprès de vignerons partenaires. Cette double activité — propriétaire-récoltant et négociant-éleveur — permet une maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur, de la vigne à la mise en bouteille.
Dimitri Bazas, œnologue et directeur technique depuis plus de 25 ans, incarne la continuité du savoir-faire maison. Sa longévité à ce poste — rare dans un secteur où la rotation des équipes techniques s’est accélérée — garantit une cohérence stylistique inter-millésimes. Bazas préside le triumvirat d’experts mentionné dans le communiqué, veillant au niveau d’exigence des vinifications et des élevages. Cette stabilité humaine constitue un atout commercial auprès d’une clientèle fortunée valorisant la traçabilité et la personnification du savoir-faire.
Dîner de gala : Thomas Collomb, Marie Simon et l’excellence gastronomique
Le samedi 15 novembre à 19 heures, Maison Champy accueille un dîner de gala réunissant 340 euros par personne. Ce tarif, comparable à celui des grandes tables étoilées parisiennes (menu dégustation au Plaza Athénée ou à L’Ambroisie), positionne l’événement dans le segment supérieur de la gastronomie événementielle. Trois acteurs orchestrent cette soirée : Thomas Collomb (cuisine), Marie Simon (desserts), Dimitri Bazas (accords mets-vins).
Thomas Collomb, chef étoilé dont le communiqué ne précise pas l’établissement de rattachement, incarne l’excellence culinaire bourguignonne. La région compte une cinquantaine de restaurants étoilés — concentration remarquable pour un territoire de 30 000 kilomètres carrés — témoignant d’une culture gastronomique enracinée valorisant produits locaux et savoir-faire traditionnels revisités. La cuisine de Collomb, qualifiée de « cuisine d’auteur » dans le communiqué, suggère une approche créative assumée plutôt qu’une reproduction orthodoxe des classiques bourguignons.
Marie Simon, championne du monde des arts sucrés, apporte une dimension spectaculaire à la partie dessert. Les championnats du monde de pâtisserie — organisés sous l’égide de diverses fédérations professionnelles — mobilisent des compétiteurs de haut niveau rivalisant en technique, créativité et présentation. Ce titre légitime Simon comme figure d’excellence dans un domaine où la France conserve une suprématie symbolique, bien que concurrencée techniquement par les écoles japonaise et scandinave.
Le dîner promet un « voyage sensoriel au fil des millésimes », formulation suggérant un menu construit autour d’accords mets-vins verticaux (plusieurs millésimes d’une même cuvée) ou horizontaux (plusieurs appellations d’un même millésime). Cette approche pédagogique, caractéristique des dîners œnophiles haut de gamme, vise à démontrer l’influence du millésime, du terroir et de l’élevage sur l’expression organoleptique finale. Le cadre — caves historiques, trois siècles d’histoire, intimité du lieu — amplifie la dimension expérientielle, transformant le repas en rituel mémoriel.
Dégustations : accessibilité graduée et pédagogie viticole
Maison Champy propose deux formats de dégustation permettant une accessibilité élargie au-delà du dîner de gala. La vente au verre, organisée samedi 15 et dimanche 16 novembre à 10 euros, permet de découvrir le Pernand-Vergelesses blanc et rouge en appellation village. Pernand-Vergelesses, commune située au nord-ouest de la Côte de Beaune adossée à la colline de Corton, produit des vins souvent méconnus du grand public malgré un excellent rapport qualité-prix. L’appellation village — échelon intermédiaire dans la hiérarchie bourguignonne entre les AOC régionales et les premiers crus — représente le cœur de gamme de nombreuses maisons, équilibrant accessibilité tarifaire et expression du terroir communal.
Ce tarif modique (10 euros pour deux vins) vise manifestement une clientèle touristique affluant à Beaune durant le week-end des Hospices. La ville accueille chaque année environ 200 000 visiteurs — chiffre modeste comparé aux métropoles touristiques mais considérable pour une commune de 21 000 habitants —, principalement attirés par le patrimoine architectural (Hôtel-Dieu, remparts médiévaux, caves historiques) et l’offre œnotouristique pléthorique (maisons de négoce, domaines viticoles, écoles de dégustation).
La dégustation spéciale « Vente des Vins des Hospices de Beaune », organisée samedi 15 novembre à 110 euros, monte significativement en gamme. Quatre vins sont proposés : deux blancs classés premier cru et grand cru, deux rouges classés grand cru. Cette sélection ascendante — du premier cru au grand cru — permet une comparaison pédagogique des expressions parcellaires et hiérarchiques. Les grands crus bourguignons — 33 en Côte d’Or sur 550 hectares, soit 1,5 % de la surface viticole régionale — incarnent l’excellence absolue, combinant situation géologique privilégiée, mésoclimat optimal et notoriété séculaire. Leurs tarifs prohibitifs (plusieurs centaines d’euros la bouteille pour les grands crus blancs de Meursault ou Puligny-Montrachet, plusieurs milliers pour les grands crus rouges de Vosne-Romanée ou Chambertin) rendent leur dégustation généralement inaccessible au consommateur moyen.
Cette dégustation est « animée par l’un des membres de l’équipe », formulation suggérant une transmission de connaissances techniques et historiques plutôt qu’une simple succession de verres. La pédagogie viticole — explication des terroirs, des millésimes, des vinifications — constitue un élément différenciant de l’œnotourisme premium, transformant la dégustation en expérience cognitive autant que sensorielle.
Stratégie commerciale et positionnement territorial
L’organisation de ces trois expériences graduées — vente au verre accessible (10 €), dégustation premium (110 €), dîner de gala exclusif (340 €) — révèle une stratégie commerciale sophistiquée. Maison Champy capte ainsi trois segments de clientèle : le touriste œnophile curieux, l’amateur éclairé désireux d’approfondir ses connaissances, le consommateur fortuné en quête d’exclusivité. Cette segmentation tarifaire, classique dans l’industrie du luxe, maximise le chiffre d’affaires tout en élargissant la base de clients potentiels.
Le timing — week-end de la Vente des Hospices — capitalise sur un afflux exceptionnel de visiteurs fortunés et d’acteurs du monde viticole. Les hôtels beaunois affichent complet plusieurs mois à l’avance, les restaurants étoilés sont pris d’assaut, les maisons de négoce multiplient les événements privés. S’insérer dans cette effervescence permet à Maison Champy de bénéficier d’une visibilité démultipliée auprès d’une audience qualifiée, déjà sensibilisée aux codes du luxe viticole bourguignon.
La localisation historique — 5 rue du Grenier à Sel, hyper-centre de Beaune — facilite l’accès piéton depuis l’Hôtel-Dieu (200 mètres), les hôtels de standing (Le Cep, La Closerie) et la gare SNCF (800 mètres). Cette centralité urbaine, rare pour une maison de négoce (beaucoup se sont délocalisées en périphérie pour disposer d’espaces logistiques conséquents), constitue un atout expérientiel indéniable.


