Un matin dans la vallée de l’Hudson, le soleil accroche les manteaux de duvet noir et les pantalons de laine comme s’ils étaient des sculptures mouvantes. La collection automne-hiver 2025 de Thom Browne s’ouvre sur cette image de cinéma : un groupe d’invités dépose ses bagages dans une maison de campagne, entre gravier, brouillard et éclats de rire. Chez Browne, le vestiaire ne se contente plus d’habiller : il raconte le passage du jour à la nuit, du plein air à la fête — une Amérique rêvée, disciplinée et sensuelle.



























Les silhouettes empruntent au folklore du week-end chic : vestes matelassées, cardigans en cachemire, pantalons de tweed, bottes de cuir de veau et chaussettes montantes. Les carreaux vichy répondent aux nuances de feuilles mortes ; les jupes plissées s’ornent d’oies brodées comme prêtes à s’envoler. Le tout reste tenu par la rigueur d’un tailoring signature : la fameuse bande blanche à quatre barres se glisse sur les bombers ou les pulls zippés comme une ponctuation familière.
Mais, fidèle à son génie de la mise en scène, Thom Browne déplace toujours la narration. Après la promenade, vient la métamorphose : corsets, jupes crayon en organza, nœuds papillon, escarpins richelieu claquant sur les dalles de pierre. L’uniforme du soir prolonge l’esprit utilitaire du matin. La collection se lit alors comme une étude sur le mouvement : comment transposer l’élégance d’une journée champêtre en cérémonial de nuit ? L’architecte du costume américain y répond par la superposition, la texture et le rythme.
La “famille Thom Browne”, comme l’appelle la Maison, évolue ici dans une douce chorégraphie — du lever du soleil au crépitement d’un feu de cheminée. Dans ce ballet immobile, tout respire le confort et la précision : le tailoring italien, la douceur du duvet, la laine dense qui garde la chaleur comme on garde un secret. Ce FW25 incarne la quintessence de ce que Browne a construit depuis 2001 : un art de l’uniforme où la contrainte devient poésie.
Toujours sous l’égide du groupe Zegna, qui détient depuis 2018 la majorité du capital, la Maison poursuit son expansion mondiale (118 boutiques, 300 points de vente). Sa vision d’une modernité classique continue de séduire un public averti : celui qui aime la rigueur, la théâtralité et l’émotion contenue. Cet hiver, Thom Browne ne signe pas seulement des vêtements : il sculpte une mémoire — celle d’une Amérique imaginaire, polie par la lumière d’un matin de novembre.

