En 2025, l’industrie du luxe opère une mue silencieuse mais stratégique : les maisons abandonnent le culte de l’objet au profit d’une immersion totale dans l’art de vivre. Cette mutation est mise en lumière par la dernière étude des Echos Études intitulée « Les marchés du luxe expérientiel : l’art de vivre, nouveau levier de croissance », révélant l’ampleur d’un basculement structurel.
Alors que la croissance du luxe de la personne stagne (+0,2 % en 2024), les marques se tournent vers des expériences intégrales, capables d’incarner l’identité de la maison dans des univers tangibles et multisensoriels. Gastronomie, hôtellerie de prestige, mobilier haut de gamme et résidences de marque deviennent ainsi les nouveaux vecteurs d’influence.

Un repositionnement stratégique légitimé par le brand power
L’entrée de ces maisons dans l’univers de l’art de vivre n’est ni opportuniste ni ponctuelle. Elle découle d’un processus stratégique de long terme : les maisons les plus emblématiques – de Dior à Armani – utilisent leur puissance stylistique pour légitimer leur présence dans des domaines autrefois périphériques. Ces expansions sont désormais structurées, intégrées au cœur des business models, soutenues par des investissements lourds et des logiques industrielles propres.
Hospitalité et gastronomie : vers une synergie sensorielle
La gastronomie devient un territoire d’expression presque naturel pour les maisons de luxe. Elle s’incarne à travers des campagnes nourries d’iconographie culinaire, mais aussi dans des expériences concrètes : restaurants, cafés, bars et même épiceries fines aux abords ou au cœur même des boutiques. Chez Gucci Osteria, Bulgari Hotels ou encore les salons de thé by Dior, ces espaces agissent comme des prolongements sensoriels de l’univers de marque.

Du côté de l’hospitalité, la tendance s’affirme encore plus nettement. Les hôtels de marque – récemment ouverts ou en projet – ciblent les clientèles HNWI et UHNWIs avides d’exclusivité. Le partenariat devient alors un levier-clé : les maisons collaborent avec des groupes hôteliers aguerris pour maîtriser les codes d’un secteur aux exigences opérationnelles spécifiques. Ces alliances soulèvent néanmoins des défis : rentabilité différenciée, exigences de service, et transformation du modèle opérationnel initial.
La maison, terrain d’expression naturelle
L’ameublement haut de gamme constitue l’un des domaines où l’intégration est la plus avancée. Le mobilier, l’art de la table ou encore les textiles d’intérieur permettent aux maisons d’insuffler leur signature jusque dans l’intimité des espaces domestiques. Ces activités sont parfois structurées autour de réseaux dédiés – à l’image de Fendi Casa ou Ralph Lauren Home – traduisant un basculement vers un lifestyle global, pensé de manière holistique.

Vers une refondation du luxe ?
Le luxe expérientiel ne se contente pas de répondre à une logique de diversification. Il traduit une redéfinition profonde de la valeur perçue dans l’univers du luxe. Le client contemporain, toujours plus volatil et exigeant, cherche des expériences porteuses de sens, d’authenticité et d’émotion. Ce désir d’ultra-exclusivité transforme l’objet en point de départ, non en finalité.
C’est là tout l’enjeu pour les maisons : parvenir à orchestrer une expérience globale, cohérente et mémorable, où chaque détail – du service de table à la lumière d’un lobby d’hôtel – est imprégné de la même exigence esthétique.
Sources :
Les Echos Études – Les marchés du luxe expérientiel : l’art de vivre, nouveau levier de croissance, juillet 2025

