Rouge contre bleu. Bravoure contre décadence. Conservatisme contre progressisme. La collection Stratego de Maurice Jamin pour le Printemps-Été 2026 est tout sauf un jeu. Ou plutôt, elle l’est au sens le plus théâtral du terme : un jeu de rôles, un jeu de pouvoir, un jeu d’apparat. Inspirée par le célèbre jeu de stratégie éponyme, cette nouvelle proposition de la jeune maison — fondée en 2022 — explore une garde-robe baroque, militante, imprégnée de références historiques et de tensions contemporaines.
Le rouge et le bleu, omniprésents, ne sont pas qu’un clin d’œil chromatique. Ils deviennent langage. À travers 57 silhouettes (25 femmes et 32 hommes), Maurice Jamin dresse le portrait d’un monde en mutation, où le vêtement sert de rempart contre le vide. Les smokings, les uniformes napoléoniens, les broderies d’apparat et les dentelles retravaillées évoquent un héroïsme désuet mais puissant, transposé dans un présent où la flamboyance devient une forme de résistance esthétique.
Le choix du lieu — l’hôtel particulier du XIXe siècle d’Alexis Lavigne, fondateur de l’école Esmod — inscrit la collection dans un dialogue entre passé et présent. L’architecture classique accueille cette armée d’ombres élégantes, entre urbanité stricte et panache romantique. La mise en scène exalte la tension dramatique de la collection, nourrie par une musique originale signée Roman Kacew, un casting affûté orchestré par Juliette Verhaeghe, et une équipe de talents à la créativité radicale.
Ce qui frappe, c’est la dualité constante : silhouettes taillées au scalpel mêlant couture et streetwear baroque, matières nobles issues de deadstocks et d’upcycling, sophistication revendiquée dans chaque broderie (Akshita Bharwadj), chaque dentelle (Mathilde Stevendart), chaque chapeau (Maxime David). Stylisé par Gaïl Marimoutou, Stratego est une collection de contrastes tendus, où la beauté n’est jamais lisse, mais toujours habitée.
Il y a dans le travail de Maurice Jamin une rigueur romantique, une dramaturgie du vêtement qui échappe à la tendance pour embrasser une forme de permanence. Comme une pièce de théâtre en cinq actes, Stratego affirme que la mode peut encore raconter des histoires, tant qu’elle puise dans la mémoire pour nourrir le désir. Un manifeste à suivre de très près.

























































