Tandis que la Haute Couture continue de se réinventer entre prouesse technique et poésie visuelle, Imane Ayissi impose une autre voix, singulière et urgente. Sa collection Ikorrok — terme Ewondo signifiant un jardin rendu à la nature — est un plaidoyer pour une couture qui répare, qui respecte, qui raconte. Plus qu’un défilé, une proposition de monde.
La nature, malmenée, y devient protagoniste. Non pas dans une célébration naïve, mais comme métaphore d’un nécessaire relâchement de la pression humaine sur son environnement. En s’inspirant des pratiques agraires africaines de jachère, Ayissi transpose cette idée en mode : redonner du temps et de l’espace aux matières, ralentir, sublimer autrement.
Les silhouettes évoquent tour à tour la flore, la faune, les formes organiques. Brocards, broderies, imprimés végétaux, perlage animalier inspiré de la culture Yoruba créent une cartographie sensible du vivant. L’abstraction n’est jamais loin : certaines pièces sont pensées comme douces pour la nature, conçues en feutre de laine française biodégradable, brodées de porcelaine, pierres semi-précieuses ou laque urushi — fruit d’une collaboration avec l’artiste plasticienne Aline Putot-Toupry.
Ici, l’engagement ne sacrifie rien à la beauté. Les coupes sont fluides, enveloppantes, presque méditatives. La palette oscille entre les teintes de terre, les nuances minérales, les éclats floraux. Un équilibre rare entre profondeur du propos et légèreté du geste.
Ikorrok est une démonstration de couture transcontinentale, ancrée dans les récits africains tout en dialoguant avec les enjeux environnementaux globaux. Imane Ayissi, pionnier d’un luxe conscient, y confirme que la Haute Couture peut aussi être un manifeste.





























