En ce 8 juillet, Paris s’imprègne du parfum entêtant de l’encens et du bruissement grave des processions andalouses : Juana Martín, seule femme espagnole à défiler sur le calendrier officiel de la Haute Couture, dévoile Fervor, sa septième collection couture, dans le 5ᵉ arrondissement. Un titre incantatoire qui annonce d’emblée la teneur quasi liturgique de cette proposition.
Dans une mise en scène sobre et solennelle, la créatrice cordouane explore la Semaine Sainte comme matrice esthétique et culturelle. Plus qu’une tradition religieuse, cette célébration devient, sous son regard, un acte de foi vestimentaire. Le noir ruán, textile sacré des “nazarenos” – ces pénitents encagoulés des processions sévillanes – s’impose comme matière centrale, sublimé par la coupe épurée et rigoureuse des silhouettes.
Le binôme noir et blanc, emblématique de la maison, acquiert ici une densité nouvelle. Il ne s’agit plus de contraste graphique mais d’un dialogue entre l’ombre et la lumière, entre la douleur mystique et la rédemption incarnée. Les références aux Christs et Vierges baroques – omniprésents dans l’imaginaire visuel andalou – s’expriment dans les drapés dramatiques, les broderies précieuses et les ornements dorés, à la frontière entre l’orfèvrerie sacrée et la parure de mode.
Fidèle à sa démarche de valorisation du savoir-faire régional, Juana Martín s’entoure d’acteurs clés : Francesca Bellavita signe les chaussures artisanales, tandis que Plenitas et Málaga de Moda soutiennent son engagement pour l’artisanat andalou. Le tandem Rafael Maqueda et Menchu Benítez orchestre la mise en beauté, magnifiée par la gamme professionnelle ICON.
Mais Fervor ne se contente pas de revisiter un folklore. La collection interroge la portée contemporaine du rituel, dans une Europe tiraillée entre spiritualité et sécularisation. En croisant le sacré avec l’avant-garde textile, Juana Martín dessine une voie singulière, profondément identitaire, où la mode devient territoire de mémoire et de transmission.
À l’instar de Balenciaga ou Rabanne – ses seuls prédécesseurs espagnols sur cette scène –, elle incarne désormais une vision du luxe ancrée dans le patrimoine culturel, mais résolument tournée vers l’expression artistique pure. Un moment de grâce haute couture, où l’Andalousie rencontre la rigueur parisienne sous la forme d’un mysticisme stylisé.


























