Le Festival de Cannes est terminé, mais les discussions autour de l’événement se poursuivent. Cette année, Cannes a présenté de nombreux films controversés et a été marqué par quelques scandales en dehors de l’écran. Quels ont été les moments les plus marquants de cette édition 2024 et quelles répercussions aura-t-elle sur les futurs festivals de cinéma ? Quels secrets se cachent dans les coulisses de la 77e cérémonie du Festival de Cannes ?

Les dates et le jury
Rappelons les dates : la semaine du festival s’est déroulée du 14 au 25 mai. Le jury était composé d’Eva Green, Omar Sy, Lily Gladstone, Pierfrancesco Favino, Juan Antonio Bayona, Hirokazu Kore-eda, Ebru Ceylan et Nadine Labaki. La présidence du jury a été assurée par la réalisatrice et actrice américaine Greta Gerwig, connue dans le cinéma indépendant pour Lady Bird et auprès du grand public pour Barbie et Les Filles du Docteur March.
La grève des employés du festival
Ces dernières années, l’industrie du cinéma a été secouée par des grèves et des arrêts de travail. Le mouvement des scénaristes à Los Angeles, qui s’était propagé au Royaume-Uni, a laissé des traces malgré sa résolution. Cannes n’a pas fait exception, et pour la première fois depuis 1968, une grève s’est déroulée sous la bannière Sous les écrans la dèche (« La misère derrière l’écran »). Elle a été soutenue par de nombreux professionnels de l’ombre, des ouvreurs aux techniciens, dénonçant des salaires trop bas pour survivre. L’objectif des manifestants n’était pas d’interrompre le festival, mais de rappeler que derrière les projecteurs et le glamour du tapis rouge, ceux qui font vivre l’industrie traversent une période extrêmement difficile. Le conflit n’est pas encore résolu, mais il souligne la profonde crise que traverse le secteur, bien au-delà du marché américain.
Les chiens à l’honneur
Un invité à quatre pattes a marqué le tapis rouge : Messie, le chien qui avait remporté la Palm Dog Award l’an dernier. Ce chien-acteur d’Anatomie d’une chute a conquis Internet. Cette distinction, créée il y a plusieurs années à Cannes, a récompensé par le passé des chiens du cinéma comme ceux de The Artist de Michel Hazanavicius ou Paterson de Jim Jarmusch. Cette année, deux chiens étaient en lice : Cody, du film Le Procès du chien, et Xing, de Black Dog. C’est finalement Cody, issu du film français Le Procès du chien, qui a remporté le prix. Il s’agit du premier long-métrage réalisé par l’actrice Laetitia Dosch. Le film raconte l’histoire vraie d’un chien, Cosmos, accusé d’avoir attaqué plusieurs personnes en Suisse. Condamné à l’euthanasie, il trouve un avocat prêt à se battre contre le système juridique.
Le film chinois Black Dog de Guan Hu a, quant à lui, remporté le prix Un Certain Regard. Son ouverture sur un plan majestueux du désert de Gobi donne le ton à une photographie soignée. L’histoire suit un homme libéré de prison après un homicide involontaire. De retour dans son village, il découvre que l’absence d’emplois pousse les habitants à quitter la région, abandonnant leurs chiens. Ceux-ci, livrés à eux-mêmes, forment des meutes aux allures de gangs. Pour survivre, le protagoniste rejoint une bande criminelle, avant de nouer une relation particulière avec l’un des chefs canins. Black Dogaborde avec subtilité des enjeux sociaux, tout en laissant une empreinte émotionnelle forte.
La vague asiatique
L’édition 2024 de Cannes a marqué un tournant pour le cinéma asiatique. Le Grand Prix a été décerné au film indien All We Imagine as Light de Payal Kapadia. Le prix Un Certain Regard est revenu au film chinois Black Dog. Ce n’est pas tout : la distinction de la meilleure photographie a été attribuée au film Grand Tour. Réalisé par le Portugais Miguel Gomes, ce long-métrage se déroule en 1918 à travers toute l’Asie, de Singapour à Bangkok en passant par des villes japonaises et chinoises. Il raconte l’histoire d’un homme qui fuit son propre mariage, poursuivi par sa fiancée.
Même l’affiche du 77e Festival de Cannes annonçait cette orientation asiatique. Elle mettait en avant une scène du film Rhapsodie en août du maître japonais Akira Kurosawa. Un seul détail a été modifié : dans l’image originale, une lune figure à l’endroit où se trouve aujourd’hui la Palme d’or.
Les polémiques autour des films et des personnalités
Cette année, plusieurs films ont déclenché des réactions vives, y compris au niveau international. Un exemple frappant est La Graine du figuier sacré de Mohammad Rasoulof. Ce réalisateur et militant iranien a évoqué les manifestations féministes Femme, Vie, Liberté de 2022 en Iran. Interdit de sortie dans son pays et condamné à huit ans de prison pour ses critiques du régime, il a fui clandestinement vers l’Europe. Son film, qui dépeint le quotidien d’une famille sous pression, a été projeté à Cannes sans deux de ses acteurs principaux, bloqués en Iran et soumis à des représailles. Face à cette situation, le jury du festival a créé un prix spécial en soutien au film.
Un autre film controversé fut The Apprentice d’Ali Abbasi, qui met en scène une scène de violence sexuelle impliquant Donald Trump et son épouse. L’entourage de l’ex-président américain a dénoncé le film comme une diffamation pure et simple.
Le festival a également été critiqué pour la présence de certaines personnalités accusées d’agressions sexuelles. L’initiative de collaboration avec le mouvement #MeToo a été remise en question par la présence d’individus visés par de telles accusations. Le public a aussi rappelé la controverse entourant Johnny Depp, présent à Cannes en 2023 malgré son procès très médiatisé avec Amber Heard.
Meryl Streep en larmes
La Palme d’or d’honneur a été attribuée à Meryl Streep, 74 ans. La cérémonie d’ouverture a marqué son grand retour à Cannes, qu’elle n’avait pas fréquenté depuis 1989, année où elle avait reçu le prix de la meilleure actrice. Émue, elle a confié qu’à l’époque, elle pensait que sa carrière était terminée, car elle était alors une mère de 40 ans avec trois enfants. Dans son discours, elle a salué Greta Gerwig, présidente du jury cette année.
Le moment a bouleversé Juliette Binoche, qui lui remettait la distinction. L’actrice française a qualifié Meryl Streep de « trésor international » et souligné son influence sur le cinéma. Ce fut un moment d’émotion intense, qui n’a laissé personne indifférent.
Incidents sur le tapis rouge
Une vigile du festival s’est retrouvée au cœur de plusieurs conflits avec des célébrités. La chanteuse Kelly Rowland a dénoncé son comportement agressif, ce qui a déclenché une vive altercation. Des incidents similaires ont été rapportés par l’actrice dominicaine Massiel Taveras et la mannequin ukrainienne Sava Pontyska, provoquant des accusations de racisme.
Malgré ces polémiques, cette édition de Cannes a mis en lumière des œuvres engagées et des voix indépendantes. Le festival a semblé revenir à l’essence même du cinéma : un art qui questionne, bouleverse et résiste à l’uniformisation du divertissement. Peut-être assistons-nous à l’émergence d’une nouvelle vague, prête à offrir au monde ses futurs Godard et Truffaut.
Photo: Festival de Cannes

