Deux visions cosmologiques antagonistes prennent forme horlogère dans les nouvelles créations Les Cabinotiers de Vacheron Constantin. Les modèles Celestia Astronomical Grand Complication, dotés de 23 complications et ornés d’une gravure champlevé requérant 240 heures de travail manuel, matérialisent le débat millénaire entre géocentrisme et héliocentrisme dans un calibre de seulement 8,7 millimètres d’épaisseur.
Cette dualité philosophique transcende l’exercice de style pour interroger notre rapport au temps et à l’espace. D’un côté, la vision ptoléméenne place la Terre au centre d’un univers ordonné, de l’autre, la révolution copernicienne décentre l’humanité au profit du Soleil. Vacheron Constantin transforme ce dialogue scientifique en manifeste horloger où la technique sert de médium à l’histoire des idées. Le calibre 3600, fruit de cinq années de développement lancé en 2017 et primé au Grand Prix d’Horlogerie de Genève, représente l’aboutissement d’une quête initiée avec la Référence 57260 de 2015, montre de poche aux 57 complications qui reste à ce jour la plus compliquée jamais réalisée.
L’architecture du mouvement déploie 514 composants pour orchestrer une symphonie mécanique à trois temps. Le temps civil s’affiche au recto par des aiguilles centrales ajourées, accompagné de l’équation marchante qui matérialise l’écart entre temps solaire vrai et temps moyen. Cette fonction, particulièrement complexe à réaliser, utilise une aiguille des minutes dentelée coaxiale pour une lecture instantanée des deux temporalités. Le temps astral prend place au verso, où une carte céleste composée de deux disques de saphir superposés révèle le ballet des constellations en temps réel, avec une rotation quotidienne accélérée de quatre minutes par rapport au temps civil.
La gravure en champlevé transforme chaque boîtier en planisphère sculptural. Pour le modèle Ptolémée, les orbites planétaires s’enroulent autour de la Terre centrale sur la couronne, se prolongeant sur la carrure et les cornes avec une précision géométrique défiant les ruptures de surface. Le modèle Copernic inverse la perspective : le Soleil irradie ses rayons depuis la couronne tandis que les planètes évoluent sur des orbites dont les centres géométriques, positionnés hors cadre sur la partie gauche de la carrure, ont nécessité la création d’outils spécifiques pour tracer des arcs de cercle sur surface bombée.
Christian Selmoni, Directeur du Style et du Patrimoine, souligne la dimension audacieuse du projet : donner une dimension historique et philosophique à travers la gravure du boîtier, solution technique née de l’impossibilité de modifier les cadrans déjà saturés d’indications. Cette contrainte créative illustre la philosophie de la manufacture genevoise où l’obstacle devient catalyseur d’innovation.
Le quantième perpétuel programmé jusqu’en 2100 s’accompagne d’indications rares dans l’univers horloger : un maréographe tridimensionnel visualisant l’alignement Terre-Lune-Soleil qui commande l’amplitude des marées, les heures de lever et coucher du soleil avec leur durée respective, et une phase de lune de précision ne nécessitant qu’une correction tous les 122 ans. Le tourbillon une minute, visible au verso, adopte la forme d’une croix de Malte, emblème de la Maison depuis 1880.
Ces créations s’inscrivent dans la continuité historique d’une manufacture qui produit des pièces à sonnerie depuis 1806. L’intégration d’ateliers de métiers d’art en interne, où graveurs et émailleurs collaborent quotidiennement, garantit une cohérence artistique devenue rare dans l’industrie horlogère contemporaine. Cette synergie entre savoir-faire ancestraux et innovation technique positionne Vacheron Constantin comme gardien d’une tradition vivante, capable de transformer des théories scientifiques séculaires en objets de contemplation mécanique.
La réserve de marche de trois semaines, assurée par six barillets montés en série, témoigne d’une approche où l’autonomie devient métaphore de l’indépendance créative. Dans un marché du luxe horloger valorisant l’unicité narrative, ces deux pièces uniques proposent une réflexion sur la relativité des perspectives, rappelant que toute mesure du temps reste fondamentalement une construction humaine face à l’immensité cosmique.

























