Le compte à rebours vers 2026 s’écrit désormais aussi en lettres arabes. L’Arabie Saoudite, longtemps terra incognita du tourisme international, déploie pour les fêtes de fin d’année une offre éclatée en cinq destinations distinctes, chacune portant sa promesse d’expérience singulière. De l’effervescence urbaine de Riyad aux lagons translucides de la Mer Rouge, en passant par les cités nabatéennes d’AlUla, le royaume propose une cartographie du luxe que peu auraient imaginée il y a cinq ans à peine.
La Riyadh Season, festival d’envergure mondiale lancé en 2019 dans le cadre de Vision 2030, constitue l’épicentre de cette effervescence. L’édition 2024-2025, qui s’étend d’octobre à mars, transforme la capitale en méga-parc d’attractions couvrant plus de 7,2 millions de mètres carrés répartis sur 14 zones thématiques. Boulevard City, Boulevard World, Kingdom Arena — les noms sonnent comme des promesses de démesure assumée. La « Grand Fireworks Symphony » du 31 décembre, feux d’artifice simultanés tirés depuis le Sky Bridge du Kingdom Centre, le King Abdullah Financial District et la Faisaliah Tower, offre un spectacle pyrotechnique à la mesure des ambitions du royaume. L’exposition Christian Dior : Designer of Dreams, présentée pour la première fois au Moyen-Orient au Musée National Almurabaa, témoigne de l’appétit saoudien pour les icônes du luxe occidental. Pour le réveillon, le Four Seasons Riyadh et le Ritz-Carlton rivalisent de galas où l’on croise désormais une clientèle internationale séduite par cette nouvelle Arabie.
À quelques encablures de la capitale, Diriyah offre un contrepoint patrimonial saisissant. Le site d’At-Turaif, berceau de la dynastie saoudienne inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, s’illumine de lanternes pour les fêtes. Bujairi Terrace, ensemble gastronomique haut de gamme ouvert en 2022, accueille dîners élégants sous le ciel d’hiver. Les promenades dans le Wadi Hanifa, l’un des plus vastes parcs historiques du pays, et les soirées de Layali Al Diriyah conjuguent romantisme et immersion culturelle. Le Diriyah Hotel Bab Samhan propose une alternative intimiste aux palaces de la capitale voisine.
AlUla représente sans doute la proposition la plus spectaculaire du quintet. Cette vallée de grès façonnée par des millénaires d’érosion abrite Hegra, premier site saoudien inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, cité nabatéenne sœur de Pétra. Le 31 décembre, le Chedi Hegra — établissement inauguré en 2024 — offre un dîner de gala suivi, au lever du jour, d’un vol en montgolfière au-dessus des tombeaux rupestres millénaires. Our Habitas AlUla et Banyan Tree AlUla complètent une offre hôtelière qui positionne la destination comme la réponse saoudienne aux déserts de luxe namibiens ou jordaniens. L’expérience « Secrets of the Scribe – Ikama After Dark » permet d’explorer les inscriptions anciennes de Jabal Ikmah à la lueur des flambeaux — une immersion archéologique nocturne unique au monde.
Djeddah joue la partition du Nouvel An balnéaire. La Corniche, promenade littorale emblématique, s’anime de restaurants face à la mer et de feux d’artifice. Al-Balad, le quartier historique aux maisons de corail inscrit à l’UNESCO, offre aux flâneurs ses ruelles chargées d’histoire ottomane. Le Shangri-La, le Waldorf Astoria Qasr Al Sharq et le Rosewood Jeddah constituent le triptyque hôtelier haut de gamme pour cette destination qui mise sur la douceur climatique hivernale — températures oscillant entre 20 et 25 degrés en décembre.
Mais c’est sur la côte de la Mer Rouge que le royaume déploie sa proposition la plus ambitieuse. Le Red Sea Project, méga-projet touristique développé par Red Sea Global (filiale du fonds souverain PIF), ambitionne de devenir la première destination d’éco-luxe à neutralité carbone au monde. Cinq resorts sont désormais opérationnels. Le Shebara Resort, constellation de 73 villas-orbes en acier inoxydable flottant sur les eaux turquoise de l’île de Sheybarah, a été désigné parmi les « World’s Greatest Places » 2025 par Time Magazine. Conçu par Killa Design et entièrement alimenté à l’énergie solaire, il incarne cette esthétique futuriste que le royaume cultive désormais avec assurance. Le Desert Rock Resort, 64 villas et suites creusées à flanc de montagne par Oppenheim Architecture — dont l’accès nécessite de traverser un tunnel de 180 mètres foré dans le granit —, propose une expérience quasi-lunaire à une heure de vol de Djeddah. Le Nujuma, Ritz-Carlton Reserve ouvert en mai 2024 sur les îles Ummahat, affiche des tarifs avoisinant les 3 500 dollars la nuit, positionnant l’Arabie Saoudite sur le segment ultra-luxe des Maldives ou des Seychelles.
L’ambition saoudienne ne se limite pas au cadre : elle se décline en expériences. Observation des étoiles dans le désert d’AlUla, plongée dans le quatrième plus grand récif corallien du monde, découverte de sites archéologiques fermés au tourisme pendant des décennies — le royaume capitalise sur son retard en matière d’ouverture pour proposer des destinations vierges de tourisme de masse. D’ici 2030, le Red Sea Project prévoit 50 hôtels totalisant 8 000 chambres, avec une limite volontaire d’un million de visiteurs annuels pour préserver l’écosystème. Un pari sur le tourisme régénératif qui tranche avec les modèles prédateurs observés ailleurs.
Pour les voyageurs tentés par l’expérience, le visa touristique électronique facilite l’accès au royaume. Les vols directs depuis Paris vers Riyad (Air France, Saudia) et Djeddah se multiplient, tandis que le Red Sea International Airport, conçu par Foster + Partners et inauguré en 2023, dessert directement les resorts de la Mer Rouge.
Reste la question que tout observateur avisé se pose : cette ouverture touristique spectaculaire, financée par les hydrocarbures, peut-elle coexister durablement avec les aspirations environnementales affichées ? Le royaume joue une partition complexe, misant sur le tourisme pour diversifier une économie encore dépendante du pétrole tout en proclamant des objectifs de neutralité carbone. L’année 2026 que l’on s’apprête à célébrer dans ces décors grandioses sera peut-être celle où cette ambivalence trouvera — ou non — sa résolution.
Pour en savoir plus : visitsaudi.com














