La maison parisienne dévoile sa collection festive en édition limitée. Derrière les bougies et le coffret Diamond In The Sky, un processus créatif singulier où l’illustration commande la composition olfactive.
Dans l’industrie de la parfumerie, le schéma traditionnel est immuable : le parfumeur compose, puis le flacon se dessine. Haute Fragrance Company, fondée en 2017 et installée avenue des Champs-Élysées, a choisi d’inverser la séquence. Ici, le trait précède le jus. L’illustration devient le brief.
La méthode repose sur un dialogue inhabituel. Arturo Elena, illustrateur espagnol dont le travail orne les dossiers de presse de Loewe et Chanel depuis 1992, crée d’abord l’image. Ses figures allongées, tracées aux marqueurs synthétiques sur papier, définissent une atmosphère. Vincent Ricord, parfumeur grassois formé quinze années durant chez Expressions Parfumées, reçoit ensuite l’illustration comme partition silencieuse. Il décrit son approche : « Une fois que j’ai l’illustration, j’explore plusieurs pistes pour sentir laquelle résonne le plus. Lorsque cette connexion s’établit, je poursuis la création du parfum pour que le message de l’illustration entre en parfaite harmonie avec ma propre signature olfactive. »
Cette inversion du processus créatif n’est pas qu’une curiosité méthodologique. Elle produit des résultats identifiables. Les 36 parfums de la maison, répartis entre collections Original, Black, Magic et Asian, partagent une cohérence visuelle rare dans le segment de la parfumerie de niche. Le flacon devient objet de collection avant d’être vecteur olfactif.
Deux pyramides pour l’hiver
La collection festive 2024, présentée le 11 décembre, comprend deux bougies parfumées de 190 grammes. Wonderland Glow articule des notes de tête d’élémi et d’eucalyptus sur un cœur de pin et lavande, posé sur un fond de cèdre, benjoin et patchouli. Winter Bliss privilégie une construction plus résineuse : eucalyptus et aiguilles de sapin en ouverture, pin et cyprès au cœur, cèdre et patchouli en sillage.
Les deux compositions s’inscrivent dans une tendance identifiée par les analystes du secteur : la demande pour des signatures olfactives boisées et aromatiques, capables de constituer une « signature d’intérieur » au même titre qu’un parfum personnel. Le marché des parfums d’ambiance devrait atteindre 17 milliards de dollars d’ici 2029, porté notamment par le segment premium. Les bougies parfumées haut de gamme y jouent un rôle moteur, avec une progression annuelle estimée à 5,3 % jusqu’en 2035.
Le coffret comme écrin
Le coffret Diamond In The Sky réunit l’eau de parfum éponyme en flacon de 75 ml et un gel scintillant de 270 ml. Le design du packaging, orné de chevaux stylisés sur fond d’arabesques dorées et noires, porte la signature d’Arturo Elena. Ses illustrations pour HFC Paris figurent au Museo del Traje de Madrid, où quinze de ses originaux ont été acquis par le ministère de la Culture espagnol en 2001.
Cette dimension artistique distingue la proposition de HFC Paris dans un marché des coffrets de fêtes saturé. À 340 euros pour le coffret et 112 euros pour chaque bougie, le positionnement tarifaire vise une clientèle familière des codes de la parfumerie de niche — segment qui croît de 13 % par an selon les données sectorielles, là où le marché global progresse de 5 à 6 %.
Une génération de parfumeurs-interprètes
Vincent Ricord incarne une génération de nez formés à Grasse mais ouverts aux collaborations transversales. Issu d’une famille de parfumeurs, il a également enseigné à l’École Supérieure du Parfum de Paris et joue de la basse dans un groupe de jazz. Son parcours — Expressions Parfumées, Drom Fragrances, CPL Aromas, TechnicoFlor — témoigne d’une polyvalence devenue nécessaire dans un secteur où les maisons de niche multiplient les projets créatifs.
Pour lui, composer un parfum s’apparente à écrire une partition : « Si ça ne chante pas, c’est que c’est trop compliqué. Il faut un message clair. » La bougie, objet hybride entre parfum et décoration, lui offre un terrain d’expression particulier. Moins contrainte que le jus sur peau, la flamme permet des accords plus francs, des matières plus brutes.
La question que pose HFC Paris dépasse le cadre de sa collection festive. Quand l’image précède l’odeur, quand le flacon devient œuvre avant d’être contenant, la parfumerie de niche redéfinit ses propres critères. Le parfum n’est plus seulement ce que l’on sent. Il est aussi ce que l’on voit, ce que l’on collectionne, ce que l’on expose. Une mutation silencieuse, mais durable.










