Home VoyagesHiver en Toscane : féerie de Noël, thermes de rêve et vignobles d’art

Hiver en Toscane : féerie de Noël, thermes de rêve et vignobles d’art

by pascal iakovou
0 comments

En hiver, la Toscane baisse un peu la lumière, mais allume toutes les bougies. Les façades ocre se parent de guirlandes, les collines deviennent des paysages de cartes postales, et la région dévoile une version plus intime d’elle-même, loin de la foule estivale. Ici, on passe des marchés de Noël aux thermes fumants, d’un verre de Brunello à une fresque de la Renaissance, le tout dans un tempo doux, presque secret.

La Toscane des fêtes : Noël version piazza, lumière et artisanat

De la mi-novembre à l’Épiphanie, la région se transforme en théâtre à ciel ouvert. À Arezzo, la dixième édition d’Arezzo Città del Natale déploie son désormais célèbre village tyrolien jusqu’au 6 janvier : chalets illuminés, artisanat, lumières partout, et cette atmosphère un peu montagne, un peu MittelEuropa, que l’on ne s’attend pas à trouver sous le ciel toscan.

À Florence, la Piazza Santa Croce prend des airs de conte hivernal avec le Weihnachtsmarkt, marché de Noël d’inspiration germanique qui anime le cœur historique jusqu’au 21 décembre. On y passe de stand en stand, entre vin chaud, spécialités d’Europe centrale et créations artisanales. À Empoli, Empoli Città del Natale enveloppe le centre historique d’un parcours lumineux ponctué de spectacles, parades et jeux de lumière, prolongeant la féerie jusqu’au 12 janvier.

Les familles, elles, trouvent leur QG à Montecatini Terme, où le Temple du Père Noël ouvre ses portes du 22 novembre au 6 janvier, pendant que Montepulciano se transforme, sur la même période, en Château du Père Noël, dans une citadelle médiévale qui ressemble soudain à un décor de film. S’ajoutent Pistoia, Pise et leurs programmes « Villes de Noël », Fucecchio avec Natalia et sa grande parade du Père Noël, ou encore le marché scintillant de Prato du 20 au 24 décembre. Sans oublier les marchés de Chiusi della Verna, Lucques, Forte dei Marmi, Cortone et cette constellation de villages de Maremme qui, chacun à leur façon, ajoutent une touche de magie à la saison.

Pontremoli : la Toscane de la pierre et du feu

Changer d’atmosphère, c’est gagner Pontremoli, dans la Lunigiana, première ville toscane rencontrée par ceux qui descendent du Nord sur la Via Francigena. Cité frontière, presque sentinelle, Pontremoli joue sur deux éléments: la pierre et le feu.

D’un côté, la pierre du pont roman de Groppodalosio, surnommé le « Pont de la Vallée Obscure », tend son arche parfaite au-dessus du torrent Magra. Autour, châtaigneraies denses, terrasses d’oliviers et lumière d’hiver qui accroche les reliefs : l’un des tableaux les plus poétiques de tout l’itinéraire francigeno. Plus haut, le château du Piagnaro abrite un trésor surprenant: les Statues-Stèles de la Lunigiana, figures masculines et féminines sculptées entre le IVe et le Ier millénaire avant notre ère. Elles donnent à la région un parfum de mythe et d’archéologie à ciel ouvert.

De l’autre côté, il y a le feu. Celui qui chauffe la fonte pour cuire les testaroli, ces grandes galettes de pâte (farine, sel, eau) coupées en losanges et servies au pesto ou simplement à l’huile d’olive et au parmesan. Celui aussi qui embrase le ciel de janvier lors de la Disfida dei Falò: deux paroisses, San Nicolò (17 janvier) et San Geminiano (31 janvier), rivalisent avec d’immenses bûchers qui transforment la nuit d’hiver en spectacle incandescent. Une manière très toscane d’affirmer la vitalité d’un territoire: par la flamme, la mémoire et la convivialité.

Thermes toscans : les eaux chaudes, le vin et le temps suspendu

En Toscane, le thermalisme n’est pas un simple « moment spa », c’est un art de vivre. Étrusques et Romains avaient déjà compris la puissance de ces eaux chargées de minéraux. Aujourd’hui, elles coulent toujours, mais avec vue sur vignobles, collines et villages en pierre.

À Montepulciano, les thermes s’ouvrent sur les vignobles du Vino Nobile et du Rosso, dans un paysage de collines ponctuées de cyprès et de villas anciennes. À Montalcino, les piscines du Château de Velona dominent les vignes du Brunello, ce vin au vieillissement quasi mythique. Non loin, à Bagno Vignoni, l’Adler Spa Resort et l’Hôtel Posta Marcucci permettent de passer sans transition d’un bassin fumant à une dégustation de vin, avec le Val d’Orcia en toile de fond.

Calidario Terme Etrusche, Venturina (LI), Toscana, Italia, Europa

Plus au sud, en Maremme, les thermes de Saturnia, Fonte Pura et Sorano combinent eaux chaudes, paysages sauvages et vins locaux. Sur le littoral, de Venturina à Sassetta puis au Tombolo Talasso Resort, la mer se marie aux sources chaudes, tandis que les grands vins de Bolgheri profitent d’un microclimat idéal. Un hiver en Toscane, c’est aussi cela : sortir d’un bain sulfureux, les joues rosies par le froid, et lever son verre à la douceur de vivre.

La Toscane à vélo : pédaler entre collines et grands crus

Pour les voyageurs qui aiment bouger sans renoncer au plaisir, l’hiver est une saison rêvée pour enfourcher un vélo. La région, qui concentre le plus grand nombre de caves et de Routes des Vins d’Italie, offre des itinéraires cyclotouristiques qui serpentent entre vignobles iconiques et villages perchés.

On suit le Grand Tour du Chianti, on traverse le Val d’Orcia entre l’abbaye de Sant’Antimo et Montalcino, on relie Castagneto Carducci à Bolgheri en longeant des domaines dont les étiquettes font saliver les œnophiles. La tendance forte du moment: les événements conçus directement par les producteurs et consortiums. L’Eroica, course cyclohistorique culte, est devenue un manifeste à ciel ouvert pour le vélo « à l’ancienne ». L’Eroica Montalcino, au printemps, aligne cyclisme héroïque et Brunello. La Gran Fondo du Gallo Nero, la Gran Fondo des Collines du Chianti, Vinaria autour des caves Montecarlo DOC, Ingravel entre les vignobles de Morellino di Scansano ou encore la Granfondo de la Vernaccia (27e édition en 2026) rythment le calendrier.

Résultat: chaque coup de pédale devient prétexte à une dégustation, à une rencontre, à un panorama. Une Toscane sportive, oui, mais jamais ascétique.

Florence au féminin : une Renaissance vue par les femmes

Si Florence est souvent racontée au masculin – Dante, Michel-Ange, les Médicis – la ville a aussi été façonnée, protégée et rêvée par des femmes. L’hiver est un moment idéal pour leur consacrer un itinéraire, loin de la cohue estivale.

On commence par Anna Maria Luisa de’ Medici (1667-1743), dernière descendante de la dynastie. Au palais Pitti, la Galerie Palatine déploie Raphaël, Titien, Tintoret dans une accumulation somptueuse. C’est grâce à son Pacte de Famille de 1737 que les collections médicéennes sont restées à Florence, au service du bien commun plutôt que de collections privées dispersées. Geste politique, mais aussi acte d’amour pour sa ville.

Retour en arrière avec Sœur Plautilla Nelli (1524-1588), première femme peintre reconnue de la Renaissance florentine. Son immense Cène, exposée dans l’ancien réfectoire de Santa Maria Novella, témoigne d’une maîtrise technique bluffante et de sa capacité à diriger un atelier entièrement féminin, rare à l’époque. Le féminin, ici, n’est pas discret, il est structurant.

Pour créer un pont avec la création contemporaine, rendez-vous au Musée du Novecento, où l’exposition « CENTOVENTI : Villa Romana 1905-2025 » (jusqu’au 8 mars 2026) célèbre le rôle des artistes femmes dans cette résidence d’artistes fondée en 1905. De Käthe Kollwitz à Katharina Grosse, Villa Romana a été un laboratoire pour des créatrices qui ont bousculé les codes académiques.

Le parcours s’achève au palais Guidi, sur la Piazza San Felice, ancienne demeure d’Elizabeth Barrett Browning, grande voix poétique de l’ère victorienne. Florence fut pour elle un refuge amoureux, un atelier ouvert sur la ville, et sa tombe au cimetière des Anglais scelle ce lien éternel avec la cité.

Art, vignes et architecture : quand les caves deviennent des musées

Dernier volet de cet hiver toscan: le dialogue entre vin, art contemporain et architecture. Depuis quelques années, de nombreuses caves se sont transformées en lieux culturels à part entière, rassemblées notamment dans le circuit Toscana Wine Architecture.

À Montalcino, le Temple du Brunello propose une approche sensorielle et visuelle du vin, presque comme une installation immersive. À Montelupo Fiorentino, le musée du fiasco toscan retrace l’histoire de cette bouteille ovale en verre habillée de paille, autrefois confectionnée par les fiascaie, ces femmes qui tissaient la gaine de paille autour du verre. À Rufina, près de Florence, le musée de la Vigne et du Vin illustre comment innovation et tradition cohabitent, tandis qu’en Maremme, les musées de Scansano et Montenero d’Orcia racontent les vins et les pratiques locales.

Ceremonial wedding archway and chiavari chairs for guests outdoors

Certaines propriétés vont encore plus loin. Dans le Chianti, le projet « Les racines de l’art » à Panzano in Chianti invite des artistes internationaux à créer des œuvres in situ. L’Antinori Art Project ou les collections d’art contemporain du château d’Ama à Gaiole en Chianti proposent des installations qui prolongent le paysage plutôt qu’elles ne le concurrencent. En Maremme, Tenuta Terenzi, Fattoria Stendardi ou Tenuta La Maliosa participent au projet Hypermaremma, tandis que la manifestation Arte&Vino Capalbio explore, depuis 2021, l’alliance entre vin et art. À Bolgheri, Tenuta Ornellaia signe chaque année la Vendemmia d’Artista, quand des artistes de renom – Neto, Kosuth, Saraceno, Ontani, entre autres – interprètent en œuvres la personnalité du millésime.

Au fond, l’hiver en Toscane n’est pas une saison morte, c’est une autre façon de lire le territoire : à la lueur des marchés de Noël, dans la vapeur des thermes, sur des vélos qui slaloment entre les rangs de vignes, dans les pas des femmes qui ont fait Florence, et au cœur de domaines viticoles où l’art s’invite à table. Une renaissance, mais en mode slow.

Related Articles