Sur les hauteurs du Languedoc, la vigne s’écoute avant de se cultiver. Chez Gérard Bertrand, le vin naît d’une observation patiente et d’une harmonie presque musicale entre la plante, le sol et les astres. Avec 980 hectares certifiés Demeter répartis sur 17 domaines, le vigneron a hissé la biodynamie au rang d’art total, faisant de cette philosophie un modèle de production à la fois scientifique, spirituel et visionnaire.
La biodynamie n’est pas ici un argument marketing : c’est une discipline du vivant. Elle repose sur la connaissance fine des cycles lunaires et planétaires, l’utilisation de préparations naturelles (bouse de corne, silice, tisanes de prêle, d’ortie ou de valériane), et la suppression absolue des intrants chimiques. Chaque geste s’ajuste aux rythmes de la nature. « Rien n’est standardisé », rappelle Gérard Bertrand. De la taille à la vendange, tout se décide selon la lecture du végétal, de la lumière et du ciel.
L’échelle de cette approche force le respect. Rares sont les vignerons capables de déployer une telle exigence sur près de mille hectares. Chaque domaine, autonome, fonctionne comme une microcosme relié à une coordination centrale. Sous la direction de Gilles de Baudus, référent biodynamie historique, cette organisation structure un ensemble pionnier où se croisent herboristerie, microbiologie et recherche agronomique. Les équipes produisent désormais leurs propres composts et préparations, dans un esprit de circularité absolue. Les sols sont aérés en douceur, parfois par traction animale, et enrichis de semences locales, dont certaines servent aussi à produire pain et bière : un écosystème cohérent et régénérateur.
Les résultats sont tangibles : des sols vivants, des racines plus profondes, des vignes résilientes. Abeilles, moutons, oiseaux et chauves-souris participent à cet équilibre : le vignoble devient un organisme complet, respirant, où le vivant sert le vivant. Ce modèle inspire déjà les grandes régions viticoles du monde, plaçant le Languedoc-Roussillon au centre d’une révolution agricole douce.
Dans la gamme, trois cuvées traduisent cette philosophie.
Cigalus Blanc 2023 (IGP Pays d’Oc), premier domaine converti dès 2002, mêle Chardonnay, Viognier et Sauvignon dans une harmonie beurrée et saline — un blanc de lumière, au prix public de 38 € TTC.
Château l’Hospitalet Grand Vin Rouge 2022 (AOC La Clape), assemblage Syrah, Mourvèdre et Grenache, incarne la mer et la garrigue : tanins soyeux, nez d’épices et de fraise, élevage de seize mois — 43 € TTC.
Enfin, Château de Villemajou Grand Vin 2022 (AOP Corbières-Boutenac), berceau familial, révèle le classicisme solaire du sud : Carignan, Grenache et Syrah y livrent un vin d’une profondeur rare (33,50 € TTC).
Chaque flacon exprime une idée-force : que le vin est un être vivant, fruit d’une écoute, d’une résonance. Vingt ans après la conversion de Cigalus, Gérard Bertrand apparaît comme le chef d’orchestre du vivant, transformant la biodynamie en acte de civilisation. Dans un monde où l’urgence écologique impose de nouvelles cohérences, il prouve que la beauté, l’équilibre et la rigueur peuvent cohabiter dans chaque verre.




