Home ModePrix de la Mode du Monde Arabe 2025 : une première édition portée par la mémoire, la matière et l’engagement

Prix de la Mode du Monde Arabe 2025 : une première édition portée par la mémoire, la matière et l’engagement

by pascal iakovou
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L’Institut du monde arabe inaugure, ce 8 octobre 2025, la première édition du Prix de la Mode du Monde Arabe, révélant un vivier de créateurs qui redessinent les contours du luxe, entre racines, résistances et modernités mouvantes. Trois catégories — Talent Émergent, Talent Innovant et Accessoires — permettent de mieux cerner les lignes de force d’une scène en pleine effervescence.

Côté talents émergents, les finalistes incarnent des trajectoires puissantes, entre exils, renaissances et transmissions. Citons Ibrahim Shebani (Libye), avec Born in Exile, un label politique et poétique fondé à la croisée du design contemporain et de la mémoire diasporique. Sylwia Nazzal (Palestine), à travers Nazzal Studio, convoque les savoir-faire traditionnels pour en faire un outil d’activisme textile. Mouthana Alhaj Ali, créateur syrien, raconte la guerre par le prisme de l’habit, entre drame et dignité. Sophia Kacimi (Maroc) réinvente le vêtement comme installation sensorielle avec Zoubida, tandis que le jeune Haroun Ghanmi (Tunisie) infuse à ses pièces une tension entre post-orientalisme assumé et gestes de réparation.

Dans la catégorie Talent Innovant, le marocain Mohamed Benchellal impressionne avec ses volumes sculpturaux, déjà plébiscités par les maisons royales et les musées. Omer Asim & Maya Antoun, duo soudanais, creusent la mode comme artefact anthropologique, nourri de psychanalyse et de design pré-moderne. Aya Jallad (Liban), par son label Odd by AJ, transforme la fragilité physique en revendication textile. Sabah Zorgui (Tunisie) avec Jasminett, crée une couture d’assemblage où chaque rivet raconte l’attachement à la terre et aux femmes oubliées.

Enfin, le Prix Accessoires, introduit cette année devant la richesse des candidatures, donne à voir des pratiques expérimentales. Jihane Boumediane (Maroc) défend une approche éthique et communautaire autour de la laine avec jYANN. Kristina Zouein (Liban) mêle confort et couleurs dans ses chaussures KINAMANIA, tandis que Oubadah Nouktah (Syrie) transforme des pièces automobiles en sacs conceptuels. Mention spéciale à Sheika Safran (Émirats Arabes Unis), dont la collection Salt and Seed, réalisée en DateCrete (matériau fait de noyaux de dattes), est un manifeste entre design spéculatif et mode mémorielle.

Présidé par Pascal Morand (Fédération de la Haute Couture), le jury réunit des figures de la scène internationale telles que Rabih Kayrouz, Ingie Chalhoub, Sylvie Ebel, Olivier Saillard, Manuel Arnaut ou encore Pascale Mussard. Les lauréats bénéficieront d’une formation personnalisée à l’Institut Français de la Mode, ainsi que d’une présentation dédiée à l’Institut du monde arabe, ancrant cette initiative dans un double ancrage créatif et institutionnel.

Dans une époque où la mode semble tiraillée entre expressivité globale et repli identitaire, ce prix affirme une autre voie : celle du lien, de la narration incarnée, du geste artisanal, où chaque couture est un fil tendu entre passé et futur. Le monde arabe y est célébré non comme un monolithe culturel, mais comme un archipel de voix — audacieuses, hybrides, fondamentalement contemporaines.

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