Home Art de vivreCultureJean-Charles de Castelbajac : « L’imagination au pouvoir » fait vibrer Les Abattoirs de Toulouse

Jean-Charles de Castelbajac : « L’imagination au pouvoir » fait vibrer Les Abattoirs de Toulouse

by pascal iakovou
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À l’entrée des Abattoirs, un trench orné d’un Christ aux bras démesurés dialogue avec un manteau drapeau griffonné par Keith Haring : d’emblée, le ton est donné. Intitulée « L’imagination au pouvoir », la rétrospective que le musée toulousain consacre à Jean-Charles de Castelbajac déroule, sur près de 900 m², un demi-siècle d’expérimentations où la mode se mue en manifeste artistique, politique et ludique .

Un « indiscipliné » aux passerelles infinies

Des pulls totems de 1968 à la chasuble arc-en-ciel portée par le pape Jean-Paul II, le créateur collectionne les frictions : sur ses étoffes, icônes religieuses, logos pop et slogans s’entrecroisent dans un collage permanent. Surréalisme, Arte Povera, Pop Art, nouveau réalisme : l’exposition orchestre ces échos en plaçant silhouettes couture, dessins, photos de Mapplethorpe ou Bettina Rheims, et meubles détournés sur un même plan. Le spectateur chemine ainsi dans un ping-pong visuel qui rappelle combien Castelbajac conçoit le vêtement comme « œuvre, armure et parure », support d’une réflexion plastique et sociétale.

Vestiaire-manifeste et collaborations cultes

Un manteau accumule des peluches comme un ready-made tendre ; une robe-tableau s’approprie un graffiti d’Haring ; un caban militaire se garnit d’appliqués Basquiat. Chez JCDC, la citation devient moteur créatif : collages, accumulations, matériaux pauvres détournés (couvertures, scotch fluo, toiles de store) témoignent de son refus de hiérarchie entre street et sacré. Les salles soulignent l’importance du dialogue : de Vivienne Westwood à Lady Gaga, nombre de rebelles visuels ont trouvé en Castelbajac un complice.

Scénographie immersive

Imaginée par Pascal Rodriguez, la mise en scène avance par « chapelles » : L’Enfance, Le Sacré, Pop & Politics… Entre each room, des parois miroir reflètent silhouettes et visiteurs, brouillant la frontière entre œuvre et regardeur. Une playlist curate le flow : résonnent Bowie, M.I.A. et les chœurs de « Mama Power », la fresque peinte par l’artiste lors de la Marche des Femmes.

Penser le monde par la couleur

L’exposition rappelle enfin l’engagement continu de l’artiste : défense de l’enfance, dénonciation des violences, appel à la solidarité. Ainsi, un manteau-blason aux couleurs primaires porte la devise « Homo Hominis Lupus » ; plus loin, un gilet pare-balles peint de colombes drape un mannequin sans visage. Chez Castelbajac, le jeu chromatique est toujours porteur de sens : « La couleur, dit-il, est une arme de construction massive. »

« L’imagination au pouvoir » fait donc plus que retracer une carrière : elle interroge la capacité de l’art et de la mode à secouer l’époque. De Toulouse à demain, le message résonne : la créativité, indisciplinée et farouche, reste le meilleur moteur pour regarder le monde autrement.

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