Il y a des tables qui chuchotent plus qu’elles ne crient. Une respiration feutrée s’est glissée au 25, rue Bayen : sous les plafonds ivoire et les boiseries blondes, la cuisine visible de Frédéric Simonin dialogue avec la salle comme un ballet discret. Tout ici prêche la retenue élégante : 36 couverts, lumière naturelle, miroirs biseautés, atmosphère où le confort l’emporte sur la démonstration. Une scénographie pensée pour qu’on écoute la cuisine plutôt que le décor. « Il faut de l’expérience, de la technique, mais surtout de l’honnêteté » confie le chef, fidèle à un credo d’épure et d’émotion .
Formé chez Ledoyen, au George V puis chez Joël Robuchon, Simonin obtient sa première étoile à 27 ans ; depuis 2011 son établissement parisien conserve une étoile au Guide Michelin, tandis qu’il décroche le titre de Meilleur Ouvrier de France en 2019. Loin de la technicité tapageuse, ses assiettes prônent la justesse : cuissons exactes, jus réduits au cordeau, sauces « d’une rare délicatesse » selon le Michelin. Sa carte courte — trois menus dégustation, de 135 € à 200 €, plus un menu déjeuner à 85 € — se renouvelle au gré des saisons, chaque produit racontant un visage et une histoire .
Signature de l’été : le tourteau de Roscoff en feuille de daïkon imprimé, relevé d’un condiment miel-xérès et perlé de tapioca au caviar impérial ; un exercice d’équilibre où la douceur iodée s’accorde à l’acidulé, la texture soyeuse au croquant . Plus terrien, le lapin Rex du Poitou rôti, jus de thym serpolet fumé au bois de baies, s’entoure de romaine croustillante, maïs, raisin blond et jalapeños doux — terroir et inventivité jouent en polyphonie . Chaque plat célèbre un réseau de producteurs d’exception — Compagnie de Bouteville pour le vinaigre, Tahiti Vanille, truffières Louis Pradel — souvent labellisés Bleu-Blanc-Cœur, gage de pratiques durables .


















































La partition d’été : tomates ‘cherry’ en texture
Le plat arrive comme un petit théâtre circulaire :
- Tarte fine tomate-origan : croustille façon velours côtelé, couleur rouge Toscane, parfum de garrigue.
- Tomates cerises marinées : passées au chalumeau, puis plongées 24 h dans un sirop hibiscus-gingembre – résultat : un pickle chic, presque japonisant.
- Crème de coriandre fraîche : onctuosité d’un nuage, note chlorophylle pile au bon volume.
- Sorbet moutarde verte : flash acide qui mord la langue avant de fondre dans une douceur citronnée.
En bouche, ça pique, ça rafraîchit, ça croque : un véritable feu d’artifice à 8 cm de diamètre. Le plus beau ? La tomate reste la star, jamais masquée par l’effort technique.
En salle, l’ancien bras droit de Marc Veyrat, Pascal Drouet, incarne un service « moderne, respectueux, incarné » : aucun protocole compassé, mais l’intelligence du moment, l’art d’anticiper sans s’imposer . Sa cave fait dialoguer cuvées rares comme « Sérum de Vie » (Carignan 2020) ou l’élégante Clémence 2018 du domaine Comte Peraldi avec la cuisine du chef, jouant la rencontre entre profondeur et fraîcheur
Au-delà de la table, Simonin défend un leadership bienveillant : « Mes collaborateurs sont les artisans de l’ombre, sans qui la lumière de ma cuisine ne brillerait pas » rappelle-t-il, soulignant l’importance du collectif . Cette posture irrigue la moindre assiette ; le goût n’est jamais effet, mais lien.
Informations pratiques
Restaurant Frédéric Simonin — 25 rue Bayen, 75017 Paris. Déjeuner & dîner du lundi au vendredi. Réservation : +33 1 45 74 74 74 ou www.fredericsimonin.com. Parking privatif sur place.

