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Fatigue du luxe : quand l’IA et le bien-être réinventent la désirabilité des Maisons

by pascal iakovou
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Coup de tonnerre sur la place Vendôme : après dix ans d’ascension quasi ininterrompue, le marché mondial des biens personnels de luxe devrait se contracter de 2 % en 2024 selon Bain & Company, un revers inédit hors période Covid. Déjà, le cabinet observait une chute de 1 à 3 % au premier trimestre 2024, fissurant le mythe d’une résilience absolue .

Le « pricing power » au pied du mur
Les hausses tarifaires à deux chiffres pratiquées depuis 2020 n’ont pas toujours été accompagnées d’une valeur perçue accrue. « La confiance s’est érodée », confirme Guillaume des Rotours, associé KPMG . Résultat : 50 millions de clients auraient déjà déserté l’univers du luxe premium. Pour relancer la « fabrique du rêve », les labels élaborent désormais des gammes qui s’étirent de l’ultra-luxe au luxe accessible, sans compromis sur l’excellence artisanale.

L’IA, catalyseur d’une nouvelle agilité
90 % des décideurs interrogés par KPMG estiment que l’IA transformera leur Maison . Les cas d’usage se multiplient : algorithmes prédictifs pour réduire de 15 % les surstocks chez Dior, ou MaIA, la plateforme interne de LVMH qui traite plus de 2 millions de requêtes par mois et diffuse la culture data auprès des métiers . En 2025, Vogue Business anticipe le passage des pilotes aux déploiements industriels, avec une vague de chatbots stylistes et de miroirs connectés offrant des recommandations « humaines » à l’échelle . Déjà, 72 % des professionnels sondés par KPMG constatent un impact positif de ces outils sur l’engagement client, tandis que 22 % observent un boost direct des ventes .

Beauté intérieure et hospitalité : la quête d’un luxe essentialiste
Pour 45 % des dirigeants, la prochaine frontière se joue dans le bien-être, les parfums et les cosmétiques . McKinsey anticipe que la beauté luxe et ultra-luxe passera de 20 à 40 milliards de dollars d’ici 2027, soit un doublement du marché . Les Maisons y voient le levier idéal pour toucher une clientèle plus large tout en capitalisant sur l’ADN sensoriel de leur savoir-faire. Parallèlement, les projets hôteliers prolifèrent, dopés par un tourisme international désormais revenu à 99 % des niveaux 2019 – voire au-delà dans plusieurs destinations clés – selon le World Tourism Barometer de janvier 2025 .

Vers une nouvelle grammaire du désir
La convergence de ces dynamiques impose aux marques un exercice d’équilibriste : préserver la rareté symbolique tout en cultivant la polyvalence expérientielle. Le paradigme se déplace : l’appartenance à un logo cède la place à la quête d’un mieux-vivre holistique, nourri par la science des données, le souci durable et l’hospitalité sur-mesure. Pour les créateurs, l’enjeu n’est plus seulement de vendre un sac, mais d’inviter le client dans un écosystème où l’IA devient complice de la main de l’artisan.

Au-delà du ralentissement conjoncturel, c’est finalement la définition même du luxe qui se redessine : moins ostentatoire, plus essentielle, mais toujours inséparable de l’émotion et de la culture. Les Maisons capables d’orchestrer ce nouvel imaginaire auront le privilège de transformer la « fatigue » en renaissance.

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