Le rideau d’embruns se lève sur Goulée, extrême nord de la presqu’île : là où l’estuaire tangue entre graves et argilo-calcaires, Michel Reybier plantait, en 2005, ses premiers greffons de Sauvignon Blanc et de Sémillon sur d’anciennes vignes de Cabernet — un surgreffage audacieux qui bousculait le dogme du Médoc tout-rouge .
Le cristal estuarien de Cos Blanc 2022
Assemblage : 74 % Sauvignon Blanc, 26 % Sémillon. Vendanges à pleine maturité mais fraîches d’embruns, pressurage vertical façon Champagne, vinification parcellaire millimétrée ; au verre, une robe d’or pâle mouchetée de reflets verts. Au nez, poire williams, cire d’abeille, zeste de yuzu et un souffle crayeux venu droit des galets roulés . La bouche cisèle une densité aérienne : texture caressante du Sémillon, tranchant salin du Sauvignon, finale fuselée sur note de citron combava et d’infusion de fenouil. Un blanc de gastronomie (22 000 bouteilles, 188 €) promis à dix ans de garde, compagnon idéal d’un turbot rôti au beurre noisette ou d’un sushimi de sériole.
Pagodes de Cos Blanc 2022 : la gourmandise sculptée
57 % Sauvignon Blanc – 43 % Sémillon. Dix-huit ans d’expérimentation portent aujourd’hui leurs fruits : fleurs d’oranger, mandarine fraîche, tension pierreuse. Plus immédiat, plus solaire, le second vin (60 €) offre l’alternative hédoniste à déboucher dès l’apéritif sur un ceviche d’huître et d’agrumes .
Médoc blanc : une page nouvelle inscrite à l’INAO
Annoncée en février 2025, la création de l’appellation Médoc blanc entérine la légitimité de ces pionniers nord-girondins ; Cos d’Estournel, qui revendique « le blanc le plus au nord de la Gironde », peut désormais inscrire son nom dans l’histoire des grands secs bordelais, aux côtés des Graves et de Pessac-Léognan .
Lire le terroir à livre ouvert
Dominique Arangoïts, directeur technique, insiste sur le « caractère traçant, pierreux » des vins : proximité de l’eau, amplitudes thermiques, drainage naturel. Le choix du pressoir vertical — rarissime dans le Bordelais — extrait jus cristallin et arômes précis ; l’élevage sur lies fines affine la trame sans masquer l’éclat fruité.
Quand l’histoire d’un rouge se écrit en blanc
Louis-Gaspard d’Estournel, « maharadjah de Saint-Estèphe », prônait déjà l’anticonformisme au XIXᵉ siècle ; Michel Reybier prolonge cet esprit : culture parcellaire poussée à l’extrême, innovations au chai, élégance orientale sous les pagodes. Le blanc s’impose comme l’autre couleur de Cos d’Estournel : vibrante, saline, intensément minérale.
Dans un paysage girondin redéfini par le réchauffement climatique, Cos Blanc 2022 et Pagodes 2022 ouvrent une ère où l’exigence médocaine dialogue enfin avec la fraîcheur — preuve qu’à Saint-Estèphe, l’avenir peut aussi s’écrire en lettres de nacre.



