Rideaux de velours du Meurice métamorphosés en vestes sculpturales ; bâches de canons à neige muées en parkas techniques garanties à vie : le défilé final des E. Fashion Awards 2025 au Salon Hoche a consacré deux talentueuses iconoclastes qui redessinent le luxe à l’aune de l’impact — preuve que l’utopie environnementale peut rimer avec désirabilité.








Philomène Tellaroli, Prix Révélation, érige avec sa marque Séléné Hélios une poétique de l’upcycling grand siècle : chaque pièce, cousue à Paris dans d’anciens textiles d’hôtels de légende, épouse toutes les morphologies et revendique transparence sur l’origine des étoffes et circuits ultra-courts. « Je ne voyais pas l’intérêt de lancer une marque juste pour exister ; il fallait un impact social et environnemental fort », martèle-t-elle, érigée en figure de proue d’un luxe inclusif qui troque l’exclusivité pour l’équité.

Dans la catégorie Espoir, Émilie Kurec, 19 ans, étudiant – designer à MODART Lyon, chavire le jury avec son projet Canon : manteaux modulaires taillés dans des housses de protection de stations alpines promises à l’enfouissement. Pensé pour durer « des dizaines d’années » et assorti d’une garantie à vie, l’ensemble signe l’avènement d’une mode outdoor qui refuse le greenwashing pour assumer la sobriété comme esthétique.

Au-delà des silhouettes, la compétition — portée par Paris Good Fashion et soutenue par MODART International — s’impose comme laboratoire de mesure d’impact : traçabilité, process bas carbone, fin de vie des pièces. Pour Alessandra Lobba, directrice RSE d’Agnès b. et marraine du concours depuis quatre ans, « il est vital que les jeunes repensent le vêtement pour qu’on le porte longtemps et qu’il sorte du cycle de la surconsommation ».
Le palmarès ouvre aussi les portes d’un réseau de mentors : journées d’immersion chez Agnès b., coaching créatif par Sébastien Perret, consultance durable de COSE361 ou encore mise en lumière en boutique rue du Jour. Autant d’accélérateurs pensés pour « transformer l’intention éthique en business model viable », selon Jasha Oosterbaan de MINES Paris-PSL, membre du jury.
Si les concours de jeunes créateurs se multiplient — du LVMH Prize à l’ANDAM — les E. Fashion Awards se distinguent par un cahier des charges exclusivement responsable et un maillage pédagogique avec les écoles de mode françaises. MODART rappelle que 80 % des finalistes des précédentes éditions ont lancé leur label ou rejoint des studios engagés, preuve de l’efficacité de cette rampe de lancement spécialisée.
En 2025, l’éco-conscience n’est plus un supplément d’âme : elle devient critère de jury, levier de financement, argument de marque. La réussite de Tellaroli et Kurec montre que l’esthétique peut éclore de la contrainte écologique — et que la couture du futur pourrait bien se coudre dans les plis du passé, sous l’aiguille d’une génération qui voit dans chaque déchet un possible trésor.

