Home ModeFashion WeekCarla Bruni drape un denim de Songket : Didit Hediprasetyo réinvente la caresse couture

Carla Bruni drape un denim de Songket : Didit Hediprasetyo réinvente la caresse couture

by pascal iakovou
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Sous la verrière feutrée d’une salle du VIIIᵉ arrondissement, la silhouette longiligne de Carla Bruni ouvre le bal : manteau-peignoir en denim indonésien, lavé à la main jusqu’à frôler le chambray, cintré d’un corset ceinture qui ne cède rien à la souplesse . Chez Didit Hediprasetyo, l’aisance n’est plus l’apanage du sportswear ; elle devient la grammaire première d’une couture « qui résonne plutôt qu’elle ne crie », comme le précise le communiqué .

Une architecture de la tendresse
Diplômé de Parsons Paris, premier Indonésien à avoir défilé en Haute Couture à Paris dès 2010, Didit cultive depuis quinze ans l’art du contraste : clarté architecturale contre chaleur sensuelle. Cette saison, il trace « une ligne affirmée entre douceur et structure, aisance et intention » . La formule se matérialise par des jumpsuits Songket jasmin iridescents dont les fibres dorées répondent aux reflets du velours noir, tandis que les manches en trompe-l’œil, signature du show, s’enroulent autour des épaules comme un geste d’auto-embrassade — une « armure tendre » face à un monde trop tranchant . La métaphore de l’étreinte poursuit son chemin sur des robes du soir où une ceinture-manches disparaît dans la courbe des hanches, muette mais protectrice.

Matériaux d’alliances et de divergences
Le dialogue des textures est savamment chorégraphié : denim javanais, satin duchesse anglais, jersey fluide, dentelle française et cuirs exotiques réemployés composent une partition tactile où chaque note est pensée pour durer . Rien n’est décoratif ; tout est inscrit dans le vêtement « comme si confort et sophistication avaient toujours été indissociables » . Cette approche frôle la philosophie wabi-sabi — beauté de l’imperfection maîtrisée — tout en restant connectée aux racines pop du designer : clins d’œil glam-rock et réminiscences MTV début 90, filtrés par un sens aiguisé du minimalisme.

Carla Bruni, muse du calme affirmé
La présence de la chanteuse-mannequin, complice de longue date du créateur, distille une élégance plus instinctive que démonstrative. Son port altier traverse tout le vestiaire : trench en duchesse ivoire noué comme une robe de chambre, slip-dress de jersey anthracite corsetée d’un cuir végétal — pièces qui célèbrent la femme « poised yet cheerful » décrite par le dossier de presse . Par petites touches, la gestuelle incarne l’idée d’une féminité sûre d’elle, aussi prête à s’asseoir en tailleur qu’à gravir un escalier d’honneur.

Le défilé, instantané de juillet
Présentée le 8 juillet 2025 lors de la Paris Couture Week, la collection a investi un décor épuré où la musique électronique laissait affleurer des gammes indonésiennes, rappelant les racines de Didit sans sombrer dans l’exotisme littéral. Le casting, intergénérationnel et inclusif, confirmait la volonté d’une couture qui épouse le réel plutôt qu’elle ne l’ignore.

Pourquoi c’est essentiel
À l’heure où la Haute Couture oscille entre spectaculaire instagrammable et artisanat patrimonial, Didit Hediprasetyo propose une troisième voie : une élégance silencieuse, nourrie de contrastes culturels (Songket vs satin londonien) et de technologies discrètes (structures internes allégeant les volumes). La trompe-l’œil-manche, mise au service du bien-être, redéfinit le vêtement comme un geste de soin — rappel utile dans une industrie encore saturée d’armures outrancières.

En décélérant le tempo des tendances et en plaçant le confort au cœur de sa dramaturgie, le créateur indonésien inscrit la couture dans un quotidien réenchanté. Là où d’autres crient, lui chuchote ; là où d’autres sculptent, il enlace. Une douce révolution au pays du sur-mesure qui, sans contredit, redonne du sens à l’idée même d’habiller la peau.

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