Home ModeFashion WeekFranck Sorbier exhume l’Eldorado : or incas et conquistadors baroques pour un hiver haute couture 2025-26

Franck Sorbier exhume l’Eldorado : or incas et conquistadors baroques pour un hiver haute couture 2025-26

by pascal iakovou
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Dans l’intimité d’un salon lambrissé, le défilé s’ouvre sur Inti : longue robe d’organza or pâle, drapée au point boule, corset patchwork de « compressions » dorées, couronne-sceptre Soleil-Lune modelée dans l’argile par Bruno Le Page. Dès le premier pas résonne la promesse de cette collection « L’Eldorado » : convoquer le mirage incas, la convoitise des conquistadors et le mythe sans cesse renaissant d’un trésor inaccessible.

Or antique, terre cuite, velours froissé

Franck Sorbier orchestre une palette tellurique — or brûlé, terre de Sienne, noir d’encre, éclats vin de lie — où le textile rejoint l’artefact. Tulles compressés, mousselines nervurées à la main, organzas métalliques drapés en vrilles et velours dévorés composent un « folk baroque » qui traverse Andes et Vieille Europe. Les bustiers Chakana ou Atahualpa portent la rosace sacrée sculptée en pastilles d’argile patinées or ; les manches pagodes tachiste de Belalcazar se parent d’un velours impressionné comme un ciel de tempête.

Les dames de Lima et les conquistadors

La dramaturgie alterne puissances masculines — gilets drapés, redingotes de rubans satin tissés, cuissardes faille noire — et silhouettes féminines, de la vestale Paloma brodée de perles corail à la Paz en poncho-kimono, jupe brodée d’oiseaux sur faille rose tyrrhénienne. Chaque look cite un visage de l’Empire : « Manuel de Mollindeo y Angulo » en cape d’archevêque cloqué or, « Mama Killa » déesse-lune en mosaïque de dentelles lyonnaises.

Argile, parfum, engagement

Les accessoires, bijoux-totems d’argile rouge façonnés par Le Page, semblent resurgir d’une fouille archéologique. Ils dialoguent avec la création olfactive d’Olivier Perault, volutes épicées qui évoquent résine sacrée et poudre aurifère. Fidèle à son manifeste, Sorbier répète son « NON à la fourrure » : fastes oui, cruauté jamais.

Un Eldorado intérieur

Au-delà de la splendeur visuelle, le couturier interroge la course contemporaine à de nouveaux Eldorados — IA, cryptomonnaie, tourisme spatial. Son or, froissé, craquelé, parfois taché, rappelle que toute ruée porte son écroulement. Frank Sorbier signe une fresque couture où l’éclat précieux côtoie la fêlure, et où l’utopie dorée se mue en introspection : travailler « sans peur des lendemains, l’âme sereine, pour cultiver notre jardin ». Un Eldorado, certes, mais cousu de conscience.

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