Sous la rotonde néoclassique du Zappeion Hall, baignée d’une lumière grecque diaphane, Rami Kadi fait tourner un vent chargé de symboles. Avec “L’Éventail”, 41 robes surgissent comme des battements d’ailes : colonnes plissées à la Mary Pickford, corsets cerclés de baleines et godets en éventail qui s’ouvrent à chaque pas, rappelant que cet accessoire fut longtemps un langage secret pour les femmes.
Du mutisme codé à l’affirmation flamboyante
« L’éventail, outil de communication cryptée, est aujourd’hui un geste de présence », confie le créateur né à Beyrouth, expliquant sa volonté de transformer le silence imposé en éclat revendiqué. Les broderies Art déco qui strient bustiers et capes — perles en irradiations, plumes ciselées en chevrons — matérialisent ce passage de l’ombre à la lumière.
Une chorégraphie de plissé-godet
Structure vs mouvement : Kadi superpose column gowns rigides et panneaux godet liquides. Des satins duchesse or et cobalt glissent en ombrés jusqu’au blush crépusculaire ; des taffetas terre de Sienne s’irisent de micro-paillets bronze. Le regard Art déco se lit dans les motifs symétriques métal incrustant un fourreau bleu persan, ou dans un blazer-cape fendant l’air tel un éventail géant.
Palette chromatique : un éventail de lumières
Or solaire, cobalt électrique, bleu ciel givré, blush rosé, brun sépia — chaque nuance bascule subtilement vers son contraire par dégradés miroir. Au passage n° 28, un crêpe ivoire s’illumine d’un kaléidoscope pailleté qui capte la coupole du Zappeion ; au final, une traîne rosegold se déploie en éventail taille cathédrale, véritable climax visuel.
Mise en scène athénienne
Choisir Athènes n’est pas anodin : la capitale hellène, carrefour antique d’échanges culturels, incarne le dialogue entre passé et futur que poursuit Rami Kadi. Les colonnes corinthiennes répondent aux lignes Art déco des broderies, tandis que la lumière naturelle glisse sur chaque plissé comme un souffle d’air chaud venu de l’Égée.
L’atelier, laboratoire de liberté
Techniquement, le studio expérimente : organza thermo-plissé pour figer l’ondulation, tulle godet coupé laser pour la légèreté, broderies métalliques 3D en modules éventail assemblés en mosaïque. Chaque robe nécessite de 250 à 650 heures de travail, orchestrant un dialogue de main d’orfèvre et d’innovation — signature “nouveau-couture” de la maison.
En transformant l’éventail — symbole ancien de modestie — en objet manifeste, Rami Kadi délivre un message limpide : la couture est un geste d’émancipation, une onde qui part du poignet et embrase l’espace. À Athènes, le battement d’aile est devenu ouragan de glamour.