Home Art de vivreCulture L’immortalité retrouvée : le temps des stars dépasse la mort ?

L’immortalité retrouvée : le temps des stars dépasse la mort ?

by Manon Renault
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« Quelle est votre ambition dans la vie ?

-Devenir immortel et puis mourir »

C’est ainsi que le romancier Parvulesco répond aux questions des journalistes dans une impérissable référence du cinéma français- À bout de souffle.

Le souffle court, les français font le deuil d’idoles, stars préceptrices d’amour, marque d’un temps qui s’essouffle. Une course un peu « dégueulasse ». Pas le temps d’une bouffée d’air :d’abord les yeux bleus de Jean et Johnny  puis le bleu de  colette s’éteignent.

Des écrivains, des chanteurs populaires et des concepts-stores : un trio peu commun, des références rassemblées par un terrible hasard ?

Sans attendre leurs derniers souffle ces trois noms sont entrés dans l’immortalité: parvenus à concrétiser ce fantasme humain. Leurs fins nous touchent : fascinantes et déconcertantes. Es-ce que tout à une fin ? Une question qui en 2018, n’a plus le mérite d’être posée


Les premiers immortels : Marilyn et James

 Septembre 1955 : James Dean prend la voix exit. Une mort que l’on espère être un hasard empirique.  Une mort qui est lue comme la traduction d’une terrible obsession. Celle d’un rebel déboussolé avide de vitesse. Puis 1962 : aucune raison ne peuvent venir rationaliser la disparition de Marilyn. Elle qui semblait tout avoir : la gloire, la beauté. Le mythe de la réussite se consume face à cette mort qui déboussole.

En hommage à Dean une reconstitution de la Porsche-550-Spyder par des Fans

James Dean Et sa Porsche

Au fil des années, l’intérêt pour les cassures de la vie de Marilyn -sa vie hors-pellicule, alimentent les théories sur sa disparition. Alcool, dépressions, enfance tragique et des relations qui ne parviennent à combler le vide ressentit par cette femme fatale. Pendant longtemps, ce sont les fracas et les noirceurs de la vie de Marilyn, plutôt que ses rôles au cinéma, qui nourrissent son immortalité. Si la fragilité fardée par un visage félin et enfantin, occupe encore les esprits, c’est le bonheur et l’insouciance de Marilyn qui sont célébrés à la Galerie de L’instant. Une exposition qui fait choix de se détacher du scénario dramatique.

NEW YORK – 1957: Marilyn Monroe eats a hot dog at a counter in 1957 in New York, New York. (Photo by Sam Shaw/Shaw Family Archives/Getty Images)

NEW YORK – 1957: Marilyn Monroe sits in front of the fountain at the Plaza Hotel in 1957 in New York, New York. (Photo by Sam Shaw/Shaw Family Archives/Getty Images)

L’amoureuse,  la star de bonheur. Marilyn heureuse, lit Doltoieski ou Shakespeare et épouse Arthur Miller. Les clichés d’une femme enfant qui ont touchés la galeriste. Des photographies de  Lawrence Schiller mais aussi Bert Stern auxquelles s’ajoute l’ultime séance photo pour Vogue en 1962. Sur le moment, c’est encore une performance, une énième représentation d’un glamour qui se délite. La dernière séance avant l’entrée dans l’immortalité. Fin du happy-end et retour des fins tragiques. Un retour, dans lequel le mythe de Marilyn s’épanouit. Les ellipses et la complexité du personnage, sont à l’origine d’une fascination sans fin : « Cette exposition est la quatrième que nous organisons, et je pense sincèrement que c’est la dernière à chaque fois…mais encore une fois la magie a opéré »-Julia Gragnon, Galerie de l’instant 

Pleurer Diana , Remixer Jackson : pertes et récupérations

Diana Spencer:  une princesse martyre dont la disparition soudaine plonge le monde entier dans un chagrin parsemé d’un sentiment d’injustice. Ce soir d’août 1997 frappe: il frappe même Amélie Poulain plongée dans son lit.

Lady Di: une tête couronnée pas une star.  Pourtant l’ensemble de sa vie est cinématographique. De son mariage avec Charles à la haine de sa belle mère : une vie sentimentale brisée.  Elle s’accomplit dans son rôle de mère. Un mère au sens large, dont toute la grandeur de coeur s’illustre dans un engagement humanitaire exemplaire. Lady Di fait entrer le régime de la starité dans la cour du palais de Buckingham. Sa vie privée devient une histoire  destinée au grand public : au point que les journaux à scandales en font leur fond de commerce.

Diana, échappant au Paparazzi

Héroïne d’un mauvais conte de fée : ses fragilités deviennent pour le public de moyens de s’identifier. Diana est à la fois prisonnière de son statut, prisonnière de sa gloire, prisonnière d’une vie privée publique. Un rôle qui la dépasse, un rôle qu’on lui donne, un rôle qui porte en lui les indices d’une fin tragique. Le 31 aout 1997, les paparazzi  qui ont alimentés tous les fantasmes du public autour de cette princesse-héroïne; deviennent la risée de la Grande-Bretagne. Le tunnel sombre de la mort clos un chapitre dans lequel Lady dee ne verra pas grandir ses fils, et n’aura jamais pu s’épanouir entièrement dans le rôle de l’amoureuse aimée. L’adoration de millions d’anonymes à travers le monde conduit, pour la première fois de l’histoire, à un méa culpa  médiatique. Le Daily Mail plaide coupable, le Sun non.  Après tout  » sa mort à fait d’elle une sainte » selon le Sun.  Paparazzi lynchés, accusés de meurtre.  Une vie volée de A à Z. Paradoxalement ces images rendent Diana immortelle. Ce sont ses looks, capturés par ces paparrazis, qui alimentent tumblr et Instagram de mode.

Diana , et le Lady Dior: en 1995 le sac de Dior prend le nom de la princesse. Un cadeau de Bernadette Chirac

Pendant longtemps les industries du cinéma, du disque et des arts possédaient le monopole sur la production des célébrités. Les tabloïds les dotent d’une sur-personnalité nouvelle.  À la mort de Lady Di, star royale, succède celle d’un King de la pop sans royaume. À part celui de l’enfance dont il reste à jamais associé.

Le 25 juin 2009, TMZ est le premier média a relayé la mort de Michael Jackson.  Les images de son corps recouvert d’une couverture argentée passent en boucle. Les autres chaînes attendent la confirmation. Oui, Jackson est parti : celui qui a grandi devant les yeux des américains, s’éteint devant son public. Sa vie privée ne tarde pas a être questionnée. Le tragique dans l’histoire de Jackson, c’est que ni ses succès, ses records et ses prouesses musicales n’auront suffit à combler l’intérêt public pour ses fragilités. Un homme dont les changements physiques questionnent. D’ailleurs on ne parle ni d’un père, ni d’un frère mais d’un éternel enfant. Lui, qui dans ses clips incarnait le rôle du Bad Boy restera Bambi. Un nom affectueux dans la bouche de Minelli, moins dans les médias. Les dysfonctionnements ; tout ce qui dérange, se retrouve dans la couverture de cette mort. Une chasse aux causes,  des procès contre les médecins, et cette stérile image d’ambulance dont les néons bleus clignotent.

Jackson et son personnage de Bad Boy

Jackson chez lui en 1985

 

Après cela TMZ devient l’une des plus grandes référence en matière people. Inquiétant ? L’attrait pour la vie privée publique, que constitue la star, et son personnage augmente. La personne privée, celle qui ne joue pas, nous serait livrée par les tabloïds, les paparazzis et aujourd’hui les médias sociaux. Une illusion de la proximité, une intimité fantasmée: voila ce qui est procuré, voici le nouvel élixir du peuple?  Les tabloïds dotent la star d’un personnage nouveau, un personnage supplémentaire, distinct de la personne même dont on n’attendra jamais l’essence. La quête des idoles épuise. Alors , elle s’alterne de célébrations et de moments d’hommages. En novembre 2018, le Grand Palais accueillera une exposition retraçant l’influence de Jackson sur les artistes contemporains.  « Michael Jackson: On the Wall »  voyagera également à Londres, Bonn ou Espoo.

Que restera t-il des trois bleus ?

Au fil des années la pop culture nous a prouvé que les stars ne meurent plus. Alors, même si les coeurs sont lourds le public sait que l’aura demeure. Plus besoin de storytelling et d’îles désertes pour réconforter.

« Adieu johnny , on avait fini par te croire immortel »- Valérie Lehoux Télérama

Hallyday n’a jamais était un figurant: il a habité avec sincérité les scènes et coeurs des français. Le premier chanteur populaire, soit un homme qui rassemble. Un hommage où les Harley Davidson font trembler le parvis de la Madelaine : une première. Le comble de la grandeur Johnny Hallyday tient dans cette simplicité ostentatoire.

Johnny Hallyday entourée par ses fan en 1962 . Il revient de sa tournée Américaine. Les admirateurs sont deja à Orly

La simplicité; un trait partagé avec Jean D’Ormesson. Les prix littéraires, l’Académie française, et les titres n’aurons jamais réduit cet homme aux prétentions souveraines d’un archétype de l’intellectuel. D’Ormesson sera un écrivain dont l’admiration public ne se limitera pas aux écrits -par avance éternels. Sa personnalité bon enfant, son nom gravé sur le bras de Julien Doré et ses baignades rempliront les souvenirs.La joie de vivre. Sa crève dans tous les témoignages. Son âge aurait pu faire de sa mort une évidence : il n’en est rien.

 ils commençaient par parler de René Char mais ils terminaient debout sur la table, à se dandiner-Sophie Fontanel, L’ Obs

Jean D’ormesson  » à la droite de dieu il y ‘aura un athé »

Comme quoi le nombre d’années ne veut rien dire. Éternellement jeune : à 20 ans colette ferme ses portes. Les magasins font faillite, le temps effrite les concepts branchés galvaudés : colette s’en va avec le privilège de la constante innovation. Sarah et Colettte n’auront pas laissé la chance aux critiques de les estampiller over. Une élégance, qui résume tout ce qu’était colette: avant-gardiste. Une fermeture qui ne répond pas des raisons habituelles: une magie qui dote ces murs de toute l’aura humaine d’une star.

La fin en 2018 c’est la vie

 

Simplicité, élégance; mais aussi cette capacité à demeurer nouveau. Trois bleus, qui malgré les années sont jeunes à jamais. C’est ce choix de souvenir qui est fait par le public. Fini la fin tragique à 28 ans. Les vie des idoles ne se consomme plus par tout les bouts.

La couverture médiatique de la mort confronte à un marché de l’émotion mais également aux questionnements sur les évolutions sociologiques. Soit les perceptions de la mort, la gloire et l’éternité dans nos sociétés.

« Nous étions prêt,si nous l’avions connue, à l’aimer et à l’adorer »-Edgar Morin à propos de Marilyn.

Un retour à l’amour, comme à l’époque des stars des années 50. L’ immortalité console: que ce soit des écrivains, des chanteurs de variété ou des magasins haute gammes. Les stars continuent…

Réinventer la mort

Avant, la mort de la star emportait avec elle les mystères de la vie privée. Le temps de la médiatisation post-mortem, venait pallier les interrogations sur la personne hors de ses rôles. Remonter le fil de la carrière, mais également remonter le fil des mariages et aventures était chose commune.

Portée par le système des tabloïds, la star a offert sa vie privée à son public. Une vie tout aussi scénarisée qu’un film. Mais chut ce leurre fonctionne. Le public se sens plus proche : enfin c’est ce qu’on croit. Sur les réseaux sociaux, la performance de la proximité se renforce. Une fois la star disparue la vie privée n’est plus une ellipse. En  tout cas plus de la même façon. La société de la transparence et de l’authenticité fait tomber les récits de complots, le goût des scoops et révélations. Il reste à célébrer avec amour les personnages qui formaient la star que l’on admirait.

L’éternité en 2018 c’est ce bleu : ce bleu qui farde le visage de Belmondo , lorsqu’il regarde la mer qui se mêle au ciel à la fin de Pierrot le fou. Un poème de Rimbaud.

 

Références :

 

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