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Demain, même heure… Qui sommes-nous?

by Woesland
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Fonte de la calotte glacière, catastrophe climatique, bouleversements des éléments qui nous entourent.  Que reste-t-il de ce temps qui pèse sur les épaules?  Actuellement, la galerie Binôme à Paris consacre une exposition aux tableaux photographiques de Jean-Louis Sarrans. Avec Demain, même heure, l’artiste confronte l’Homme à la Nature dans une altérité supérieure et interroge la fragile destinée humaine à l’aune des grands changements. Explications.

La plupart diront qu’il est urgent d’agir, d’autres qu’il est déjà trop tard. Pas de discours dans les tableaux photographiques de Jean-Louis Sarrans sinon cette étrange rencontre entre la contemplation d’un monde qui s’en va et la brièveté de l’existence humaine. Contemplation de la lente dégradation, aime préciser l’artiste qui a voyagé de part le monde pour donner à voir, sans tristesse, ni fatalisme, les icebergs qui se décrochent de la banquise à côté des beaux déchets rangés sur des trottoirs new yorkais.

La nature presque irréelle encore vierge de l’invasion humaine semble s’opposer à l’urbanité portée à son paroxysme où même les poubelles ont un parfum de propre. Et pourtant…  Par analogies des lignes et des formes, par le parti pris chromatique bleu ou rouge, les dytiques de Jean-Louis Sarrans se font l’écho de l’incapacité de l’homme à tenir compte de l’altérité du monde. Sans agressivité aucune, en quelques fresques monumentales – quatre diptyques, un triptyque et un ensemble de neuf panneaux, l’artiste nous convie à entrer dans un  autre temps que celui de la course incessante qu’engendre l’insatisfaction du désir. Le temps de la réflexion, celui qui stimule l’imagination, seule ressource inépuisable…

Le temps, cette chose qui nous relie à l’absolu… C’est presque une obsession chez Jean-Louis Sarrans. Si le temps définit l’oeuvre en soi, la façonne, la transforme, lui donne vie, il est aussi l’essence même de ses tableaux photographiques. Mélancholia, une fresque monumentale en neuf  tableaux, en est un bel exemple. Tout se déploie par relation, explique l’artiste qui au départ avait l’idée de montrer des bribes de décomposition et de végétation. Et puis « avec le temps », cette fresque a appelé en son centre une masse sombre. Il me fallait une image forte. Le dôme de la mairie d’Hiroshima (seul monument qui n’ait pas été détruit en 1945) s’est imposé. Comme le parti pris du rouge. Dans cette fresque, il n’y a pas de place pour le bleu. Pourquoi? Le rouge, c’est la solution de désagrégation. C’est le radicalisme de l’issue, si elle arrive…

Trouver  une passerelle sensible qui part de l’idée au réel, telle est la quête de Jean-Louis Sarrans depuis qu’il a délaissé la mode et la publicité pour se consacrer à une approche plus intime et essentielle de son art. Je reste sur des choses abstraites pour détourner la portion de réel de ce qu’elle montre, souligne-t-il. Démarche minimaliste pour être au plus proche de soi et donc des autres. Photographies et images argentiques, peu de prises de vue. Mon plaisir est de peu photographier et de ne pas harceler la réalité avec des photos. Le harcèlement, explique l’artiste, c’est une déficience. Quand vous harcelez le motif, cela signifie que vous ne maîtrisez pas le sujet. Donc, pas d’amoncellement infini d’images. Une photo peut rester dans la boîte, je sais qu’elle est là… L’artiste sait que tôt ou tard, elle se matérialisera dans une oeuvre. Encore une fois, une histoire de temps. A nous d’en mesurer la profondeur.

Demain, même heure – jusqu’au 11 juin à la galerie Binôme au cœur du Marais à Paris.

www.galeriebinome.com

Par Odile Woesland





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