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Les menottes et le radiateur par Alexandra Lapierre

by Elisa Palmer
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Les menottes et le radiateur

Alexandra Lapierre


Paris, Nuit noire,
Samedi 7 Mai 2011,

Drown The Drain – Lilly Wood and The Prick

A la seule lecture du titre, le livre sent déjà la contorsion des poignets, le toucher et la caresse à plein nez. À croire que le binôme menottes + radiateur fonctionne brillamment sur notre imaginaire érotique et ses secrets, car il faut bel et bien le reconnaître, nous y avons – en choeur – tous pensé. La photo des talons rouges/aiguille, sur la première de couverture, permet d’entériner le diagnostic : Alexandra Lapierre va, mais très clairement, nous parler de sexe.

On apprend de l’auteur qu’« après des études de lettres à la Sorbonne, (elle) part comme boursière aux États-Unis. Elle est reçue comme metteur en scène à l’American Film Institute, puis à l’University of Southern California à Los Angeles. Elle y écrit ses propres scénarios, remporte plusieurs prix dans les festivals de courts métrages… Elle revient vivre à Paris et reprend ses recherches dans les bibliothèques françaises sur l’ascension de l’une des douze grandes courtisanes du Second Empire. Son premier roman, La Lionne du boulevard… remportera un succès critique et populaire. Dès lors, Alexandra Lapierre ne cessera plus d’écrire. ». On apprend aussi qu’elle juge son dernier texte d’un peu spécial. Voyons cela de plus près !

C’est l’histoire d’une correspondance entre une Suzie Hernoux et une Valentine Mallet, dont on ne lit (quasiment) que les lettres de Suzie adressées à sa grande amie. Un phénomène qui arrivererait presque à nous faire penser que cette Valentine Mallet n’est peut-être, tout bien considéré, qu’un simple produit de l’imagination de l’héroïne… Suzie, qui se décrit comme une belle femme blonde, française mais exilée à Rome, qui n’a malheureusement plus vingt ans, livre ici à son amie les « troubl-ions » amoureux de sa vie (l’Anglais, ses dîners rencontres, les stratégies d’évitement qu’elle met en place pour ne pas y perdre, ses envies de délices-supplices, et bien entendu aussi – et c’est le jeu – son taux de frustrations).

Cover My Face – Lilly Wood And The Prick

Crédit photo : Photosight

« J’ai dîné avec l’Anglais, que je n’avais ni rappelé ni revu depuis trois semaines… Mais tu peux être fière de ta copine : j’ai dompté ma convoitise et l’ai envoyé se coucher tout seul. Non sans lui avoir préalablement chauffé la libido avec l’histoire des menottes. Elle lui a beaucoup plu, cette affaire-là, au point qu’il m’a posé quelques questions personnelles. C’est bien la première fois… J’ai répondu qu’en matière de sexualité je gardais les goûts les plus civilisés et les instincts les plus sains. Mon regard disait exactement le contraire, mon ton laissait croire le pire, et mon sourire augurait du meilleur… Allumé par l’évocation de ses roueries avec d’autres, et par la perspective de ses débauches avec moi, il me conduisait à petits pas vers notre hôtel. Peut-être pour rattraper les rendez-vous perdus des semaines dernières. Il l’avait, cette fois, élu somptueux et très cher. Nous nous arrêtâmes une seconde sous la marquise du porche. Ce fut ce moment que je choisis, moi, pour annoncer que j’attendais un coup de fil des Etats-Unis sur mon téléphone fixe. Un appel qui m’obligeait à rentrer seule chez moi… Dans la voiture, je me suis félicitée de mon courage. Quel empire sur moi-même ! Tu n’imagines pas combien je le veux, cet homme, tu n’imagines pas ce que me coûte le sacrifice d’une nuit avec lui… Allons du nerf : inverser notre rapport de forces, la victoire est à ce prix. Mais soudain, contrecoup du renoncement, je frissone, je tremble, je claque des dents. La peur est venue ensuite… Etais-je allée trop loin ? » (Lettre 3, pages 31 à 35).

Dans son désir d’une vraie relation et ses tentatives maladroites de mise en forme, dans sa chasse à l’homme effrenée qui ne raconte que l’envie de séduire et d’exister, et dans sa volonté de garder l’over control sur les figures masculines de sa pauvre existence, le tout criblé de peurs et de systèmes d’auto-défense terriblement terriens, Suzie va soudain se retrouver plongée au centre d’un canular sensuel et addictif. Et comme dirait l’autre, tel(le) est pris(e) qui croyait prendre…

Elisa Palmer

Les menottes et le radiateur
Alexandra Lapierre
Editions Plon
Avril 2011
8€

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2 comments

Lou 7 mai 2011 - 14 h 12 min

« Et comme dirait l’autre, tel(le) est pris(e) qui croyait prendre… » oh oui, oh oui… 🙂

Emile 8 mai 2011 - 11 h 57 min

J’aime bien la deuxième photo…
Qu’arrive-t-il réellement à l’héroïne ???

EB

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