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Quand j’avais 13 ans, je m’ai tué ou Sukkwan Island

by Elisa Palmer
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Sukkwan Island
David Vann
Editions Gallmeister
Novembre 2009
21,70€

Pavane Pour Une Infante Defunte – Sviatoslav Richter – Ravel & Rachmanivov : Preludes

Grow Till Tall – Jónsi – Go

Paris, le 8 août 2010

Crédits photos : EP

Il suffit de quatre heures pour se les prendre toutes. Bombe atomique. Bombe nucléaire. Bombe incendiaire. Bombe lacrymogène. Bombe sexuelle. Bombe sale. Bombe à fragmentation. Bombe radiologique. Bombe littéraire.

Mettez Jim, le père, et Roy, le fils de treize ans, dans un « no man’s land » au Sud de l’Alaska, avec le projet d’y passer un an, quand l’infidélité du plus grand a dégueulassé et ravagé ses statuts de mari et de père de famille, en se ruinant en coups de rein de bas étage.

Ils ne connaissent – près de rien – l’un de l’autre, mais la peur organique et viscérale de Roy à l’idée de potentiellement perdre ce qui reste être son père, l’invite à le suivre dans son voyage. Il y découvre le dysfonctionnement d’un père, sa dépression nocturne et ses misères d’homme.

Crédits photos : EP

En vagabonds de la verticale, David Vann nous loge à bonnes enseignes. Surtout pas d’Inception. Un voyage – éveillé – au bout de la nuit, nouvelle génération, où l’on se tire une balle dans la tête à l’instant même où l’on apprend la vie.

Citation : « Lorsqu’il heurta la surface de l’eau, elle était si froide qu’il reprit connaissance et eut envie qu’on le retrouve, qu’on le sauve… Il lutta contre la corde autour de son cou, s’en libéra facilement, mais il était tout habillé et coulait, alourdi par le poids de ses vêtements, sans gilet de sauvetage. Il ressentit une immense pitié pour lui-même. L’océan offrait un spectacle grandiose… Il se débattit pendant ce qui lui sembla une éternité mais qui aurait pu n’être qu’une dizaine de minutes avant de s’engourdir, de s’épuiser et de boire la tasse. Il pensa à Roy, qui avait eu la chance de ne pas connaître pareille terreur et dont la mort avait été instantanée. Il vomit de l’eau malgré lui, en ravala, la respira encore, respira cette fin qu’elle annonçait, glacée, dure et inutile, et il sut alors que Roy l’avait aimé et que cela aurait dû lui suffire. Il n’avait simplement rien compris à temps. » (p. 192)

Une oeuvre littéraire irréelle-ment accomplie.

Un temps-mort.

Elisa Palmer


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