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Un an pour l’éternité : Un jeu d’enfants

by Elisa Palmer
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Un an pour l’éternité
Jean-Luc Priane et Jean-Bernard Taté
Editions Lis & Parle
Avril 2010
Prix : 19€

Mardi 18 mai 2010 – Le Tréport (Haute-Normandie)

 

J’ai pris le livre en vacances.

(J’ajoute toutefois, pour la précision, qu’il ne s’agit pas d’un roman d’été.)

 

Les éditions « Lis & Parle » n’existaient pas, dans mon esprit, avant la réception de l’ouvrage dans ma « BAL ». Désormais, après lecture (3 ou 4 heures d’une traite), j’assume ma deuxième mission : parler.

 

En photographie de la couverture : la forteresse d’architecture mongole de New Dehli en Inde. En titre : une formule assez stéréotypée, un peu naïve. Enfin, en quatrième de couverture : une version de l’histoire dont on retient en diagonale ces quelques éléments : « Trois jeunes amis unis comme les doigts de la main », « une promesse excessivement contraignante », « un acte posé à un âge où l’on augure mal les conséquences », « les tourments inhérents à la condition humaine », « en Inde et au Népal », « Amitié candide de l’âge tendre », « sentiment de trahison », « colère destructrice »…

 

Penser l’histoire, c’est avant tout mettre trois corps en jeu autour d’un triangle : Maxime, Samuel, et Meera. Et si – par chance -, vous avez choisi l’espagnol comme langue vivante 1 ou 2 dans vos études, les quelques repères linguistiques, qui ont su traverser le temps, vous permettront sans mal d’établir le lien entre le prénom « Meera » et la place de choix que la trame de l’histoire lui consacre…

 

Nos trois « jeunes amis » sont différents.

  1. Quand Maxime, français, le seul fils de la famille, a comme père, un ancien lauréat d’HEC, à la tête d’une multinationale d’import-export,
  2. Samuel, dont les parents ont été massacrés en 1994, lors des affrontements qui ont eu lieu après l’assassinat de Gandhi, vit désormais plus ou moins « libre » avec sa grand-mère,
  3. et Meera reste « une fille de brahmane », retenue et dévorée par l’idée qu’elle deviendra plus tard l’épouse de l’homme choisi par ses parents.

 

A un âge où leurs croyances, leurs origines, leurs environnements familiaux et sociaux, et surtout les destins vers lesquels inexorablement ils tendent, ne les ont – pas encore – complètement piégés et détournés d’une part d’innocence et de naïveté inhérente à leurs jeunes années, ils passent ensemble la plupart de leur temps, en Inde, à profiter de cette amitié évidente.

 

Jusqu’au jour où …

Passer – simplement – du bon temps, et jouir sans retenue de ces minutes illimitées qu’ils gaspillent ensemble, ne suffisent plus, et renvoient les jeunes garçons vers un obstacle latent.

 

Ainsi, lors d’une nuit profonde, ils décident de faire un pacte :

« Maxime, tu n’as pas peur que, plus tard, on tombe amoureux de Meera et que ça détruise tout de notre amitié ?

Maxime ne sut quoi répondre et resta muet.

Ce serait trop dommage que ça arrive. Il ne faut pas, alors je te propose qu’on se fasse une promesse, toi et moi, une promesse qui nous sauvera tous les trois. Tu ne peux pas refuser, Maxime ! ».

 

Les personnes qui ont déjà essayé (et qui ont échoué) de faire une bonne crème fouettée connaissent d’ores et déjà la suite de l’histoire : « Laisser la crème fraîche quelques heures au réfrigérateur. Quand elle est bien froide, la fouetter jusqu’à ce qu’elle ait pris une consistance de meringue, et qu’elle ait à peu près doublé de volume (il ne faut pas aller plus loin, sinon on ferait du beurre). »

 

Il est certain que l’effet de ce roman tient davantage aux envies des personnages d’aller plus loin, et par là même de faire du beurre… Et, Maxime et Samuel vont grandir. Et, Meera, qui s’amusait presque – innocemment – entre eux, va transformer ses héros d’enfance en prisonniers aliénés par une passion commune, à savoir elle. Alors, que deviendra-t-il il de cette promesse d’enfants, et comment, une fois adultes, sauront-ils y faire face ? C’est la question – fidèle – qu’épingle l’ouvrage sur presque 250 pages.

 

Si on devait citer :

 

page 201-202 :

« Dès notre plus jeune âge, on nous apprend à être le meilleur, à être un gagnant. On nous apprend très vite que la réussite de notre vie est uniquement basée sur notre réussite sociale. Alors, nous sommes prêts à écraser notre voisin, notre ami, pour lui prendre sa place, tandis que nous glorifions le respect d’autrui. Nous nous mettons à mentir, à trahir ; et la convoitise est notre pain quotidien. La peur s’est installée partout. La peur de perdre nos habitudes, notre petit confort, peur de déplaire, peur de vieillir, de mourir. Peur de notre propre solitude, alors nous créons des relations superficielles et nous parlons de nos richesses emmagasinées et de nos kilos à perdre. Nous salissons l’image de nos amis absents pour nous mettre en valeur, c’est tellement facile. Nous trompons nos femmes avec d’autres femmes. Nous passons notre temps à courir. Courir pour ne pas être en retard au travail, courir pour faire les courses dans les magasins, courir pour partir en vacances. Notre vie est devenue une course permanente. Mais, réellement, nous courons après quoi ? Plus personne ne le sait, et tout le monde s’en fout. On passe à côté de l’essentiel. Notre vie n’est qu’un paquet de mensonges, et nous ne savons plus pourquoi nous vivons ! Nous avons perdu nos racines, notre conscience, notre foi et la confiance en la vie. Voilà mon monde, Goré. »

 

page 231 :

« Meera se souvint alors de son enfance, de tous ces moments passés avec les deux garçons, de ces sourires furtifs qu’elle lançait à l’un, puis à l’autre, de ces murmures échangés au creux d’une oreille, d’une seule oreille. Soudain l’horrible constat s’étalait devant ses yeux. Elle avait donc été bien plus qu’une pièce maîtresse dans ce jeu destructeur, elle l’avait conçu. Un bourreau aux allures angéliques. Oui, un insoutenable oui résonnait en elle. Oui, elle avait joué ce jeu. Plaire à l’un et à l’autre, en même temps, dans une soif inconsidérée de reconnaissance. »

 

Si on devait critiquer :

 

L’histoire s’abandonne malheureusement un peu trop souvent à la caricature, et les univers de chacun en deviennent un soupçon trop policés. Peut-être aurait-on préféré que Maxime « sniffa le rail », sans la mention des guillemets… Peut-être, aussi, aurait-on pris plaisir à fouiller davantage les contraintes et les limites qui les piègent dans leur simple condition d’homme. Et pourtant – malgré les critiques –, on se dit qu’un message, à faible débit certes, pas assez corrosif, est passé. En bref, un ouvrage qui s’auto-interroge un peu…

 

Elisa Palmer / LUXSURE

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