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Vanity Fair by Jessica Craig-Martin

by Marie Odile Radom
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Lors du dernier ArtParis, j’ai été attirée par une photographie en gros plan serré de Madonna. Mais loin de la mettre en valeur, l’approche volontairement grand-angle du cadrage la représentait les traits tendus à l’extrême et le regard méprisant. Elle n’avait plus rien à voir avec la pulpeuse mamma italienne au regard gourmand de la dernière campagne de Dolce et Gabbana.

Cette photographie prise par la photographe New-Yorkaise Jessica Craig-Martin nous était proposée au stand de la Galerie 64bis, accompagnée d’autres toutes aussi frappantes : la carrosserie d’une Ferrari rutilante que le propriétaire ne finit pas de polir, une séance de bises où les deux protagonistes parées de leurs plus beaux bijoux osent à peine se toucher, ou encore le regard visiblement désespéré de ce chien affublé d’un collier en forme de tasse de thé assis près d’une chaussure compensée de style Mondrian.

Photographe de mode à ses débuts pour de nombreux magazines, Jessica Craig-Martin continue son travail de photographe, comme le montre cette série d’Avril 2010 pour le magazine Elle France, tout en proposant des projets plus personnels comme la Série « Privilèges ».

Elle nous révèle à travers cette série, dans une approche plus artistique, les dessous d’une société américaine tape-à-l’oeil, superficielle, réunie dans des cocktails mondains à New York, dans les Hamptons ou à Cannes. Elle-même issue de la haute bourgeoisie américaine, la photographe a choisit d’avoir une approche de type documentaire, presque à la manière d’une anthropologue, pour nous montrer les travers de cette haute société avec des cadrages coupés au scalpel et un sens du détail très fort. Elle nous propose son décryptage de cette société imbue d’elle-même et devenue sa propre caricature dans une foire aux vanités que nous ne saurions ignorer. Jessica Craig-Martin nous offre la possibilité d’observer les puissants de l’intérieur comme si nous étions les dignes spectateurs de ce théâtre des apparences.

Fille du célèbre artiste Michael Craig-Martin, le professeur des artistes Damien Hirst et Gary Hume, Jessica Craig-Martin photographie un monde dont elle connaît tous les codes. Ayant étudié la photographie à New York, l’œuvre de Jessica Craig-Martin a été exposée dans plusieurs musées (Madrid, New York…) ainsi que dans des galeries de renommée mondiale. Ses œuvres ont également fait l’objet de nombreux articles. L’artiste vit et travaille à New-York.

Avec la série « Privilèges », la photographe dénonce l’hypocrisie des images glamour véhiculée par les magazines people. Ces images sur papier glacé sont d’une rare perfection et reflètent l’inverse d’une réalité bien plus crue. Jessica Craig-Martin met en lumière et accentue la caricature d’un monde prétendument merveilleux, où la férocité des gros-plans coupés révèle l’oeil acéré et plein d’authenticité de l’artiste pour une réalité grotesque de la haute société, véritable  » horreur sous la soie » ainsi que l’écrit Glenn O’Brien, écrivain américain, qualifiant ses œuvres de « nature morte au sens traditionnel du terme ». Les personnages fardés à outrance poursuivent l’utopie de leur jeunesse semble nous dire « Arrival Lipstick », avec ce rouge à lèvres rouge bavant littéralement et s’échappant d’un sourire crispé sorti de lèvres affinées et rendues amères par le temps.

Elle nous offre également son regard artistique acéré  sur des associations improbables et assez loufoques, observées au cours de soirées de charité : un parallèle se fait entre de petites saucisses cocktail et une bague à l’aspect similaire dans  « Tye Dye Prada Weiners « . L’artiste met également l’accent sur certaines combinaisons de couleurs et de formes toujours un peu liées à la nourriture, entre une robe blanche aux motifs noirs et des canapés au caviar dans « Hamptons Sun » et « Catered Caviar ». Elle appuie là où ça fait mal en mettant l’accent sur certains détails, comme ses pantoufles détonnant au milieu des chaussures des « élégantes ».

Malgré tout, l’artiste témoigne d’une vision positive dans cette absurdité à répétition : « Pourquoi les gens vont-ils à des soirées ? Ils sont tous laids. Malgré tout, les gens se parent de leurs plus beaux atours, et sortent, encore et encore. C’est une sorte d’étrange optimisme. Il ne s’agit pas tant d’une horrible vérité, que de cet espoir du glamour. Il y a quelque chose de touchant, selon moi, dans cette disparité qui existe entre les aspirations et la réalité que l’on voit« .

Oui, ces portraits sans concession sont les nouvelles vanités d’un monde superficiel, riche et gâté mais un brin conscient de sa réalité, entre la volonté de paraître, de se créer un personnage, d’avoir l’air jeune malgré les marques du temps qui passe. Sous leur masque de cruauté et d’acidité, ces images deviennent touchantes, les images d’une société symbole de la consommation à outrance dont nous sommes les témoins.

Merci Jessica de nous ouvrir les yeux et de nous montrer ces contradictions, ce sont certainement celles qui nous attendent…

 

Crédit photos : ©Jessica Craig-Martin with the courtesy of Galerie 64bis

ZERO DEGREES C (AMFAR BENEFIT, CANNES)- 2008 C-Print • 63 * 91 CM édition de 5 exemplaires + 5 AP

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MONDRIAN TEACUP PUG (WATERMILL) – 2007 • 69,5 X 91,5 CM

ARRIVAL LIPSTICK ( AMFAR BENEFIT, CANNES) – 2008 • 69,5 X 91,5 CM

Galerie 64bis

64 bis, avenue de New-York 75016 Paris

+33 (0)1 46 47 53 50

Ouvert du lundi au samedi de 11h à 19h.

[email protected]

www.64bis.com

Marie-Odile Radom

 

 

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